En prélude au forum international francophone 2023, initié par le Fonds XOESE, s’est tenu le samedi 25 novembre 2023 à Lomé, le Forum des Jeunes Féministes Francophones (FJFF). Cette rencontre qui se veut un cadre d’échanges et de réflexions sur les thématiques propres aux groupes des jeunes militantes au sein du mouvement féministe francophone, a connu la participation de plusieurs militantes de divers pays francophones.
Du 27 au 30 novembre 2023, s’est tenue la deuxième édition du forum international francophone du Fonds XOESE pour renforcer le mouvement des droits des femmes francophones.
Préparer les jeunes féministes à contribuer activement aux activités du forum, encourager le réseautage entre les jeunes féministes des différents pays et faciliter les discussions ouvertes et participatives sur les enjeux et les défis auxquels les jeunes féministes font face dans le milieu francophone sont principalement les objectifs du forum des jeunes féministes francophones, tenue en pré-évènement au grand forum.
Afin de concrétiser ces objectifs, plusieurs panels ont eu lieu répartis en trois grandes sections. Ces sections ont été précédées d’un débat en plénière, portant sur la thématique de la fracture générationnelle, les mécanismes pour établir et maintenir le contact avec les anciennes générations.
Au rang des débateurs, Mme Elsa M’bena BA, activiste féministe du Togo et Mme Amida TCHAMDJA du Réseau des Associations des Femmes en Action pour le Développement notamment. Elles ont intervenu pour évaluer la situation et émettre des idées pour changer la donne. En résumé, les intervenantes ont reconnu l’évidence d’une difficile collaboration entre anciennes et jeunes militantes, ce qui ne devraient pas être le cas, étant donné que la lutte est la même, nonobstant les réalités inhérentes à chaque génération. Il urge donc « des cadres d’échanges réguliers pour évoluer et pondre des stratégies communes en vue d’une lutte efficiente », ont-elles préconisé.
Des panels riches en échanges d’expériences
La première section a porté sur les thèmes : féminismes et croyances, dialoguer pour l’égalité et la justice, d’une part, et d’autres parts, les stratégies d’activisme féministe en politique. De nombreux témoignages ont émaillé le premier panel, chaque intervenant partageant son expérience personnelle de confrontations entre ces deux réalités, situation qui exige clairvoyance et discernement. Lire ses croyances à la lumière de la lutte pour les droits et la libéralisation de la femme du système patriarcal, voilà en substance l’idée recommandée pour ne pas se perdre dans le dilemme.
Quant aux stratégies d’activisme féministe en politique, les panélistes dont Mme Jaly BADIANE, activiste féministe sénégalaise et Mme Chanceline MEVOWANOU, militante féministe béninoise ont partagé leurs expériences et demandé que les féministes intègrent les sphères de décisions pour impacter plus. « Il ne s’agit pas seulement d’avoir des femmes dans les instances de décisions pour corroborer les décisions mais des féministes convaincues pour influer et peser dans les prises de décisions en prenant réellement en compte l’intérêt des femmes » a insisté Jaly du Sénégal.
Les deux panels de la seconde section avaient pour thématiques respectivement « allier activisme et compétence(formation) » et « web activisme : sécurité en ligne et résilience contre le harcèlement ».
L’occasion était idéale pour les personnes ressources de montrer comment elles allient leur formation à leur activisme. Outre les formations reçues pour ses activités professionnelles, il est important pour devenir une féministe professionnelle de chercher via les canaux disponibles, des formations sur les thématiques liées au féminisme pour bien cerner les concepts et maîtriser les différents enjeux en présence. « Quand on décide de devenir une féministe engagée, il faut être impliquée et pour ce faire, se former est primordiale. L’on doit savoir ce que l’on défend et s’assumer entièrement. Et ce ne sont pas les formations qui manquent » a souligné Mme Elsa M’bena du Togo.
Evoquant le harcèlement en ligne, les intervenantes ont fait comprendre qu’il ne faut surtout pas se laisser intimider par les détracteurs et aller jusqu’au bout de son initiative car les cyberharceleurs et les menaces ne manqueront point.
Les travaux se sont poursuivis avec les dernières sections plus consacrées à la préparation pour le forum. Une journée très riche en échanges et en partages que les participantes ont énormément apprécié.
Les participantes en repartent très édifiées
Le forum a été d’un grand succès et les participantes en ont tiré d’utiles informations. En témoignent les propos de la militante Lydie Tinyuno, venue de la Guinée Conakry qui affirme : « en Guinée, nous voulons créer un mouvement pour avoir un réel engagement féministe et c’est un plaisir de rencontrer en ce jour beaucoup de féministes surtout engagées. J’ai beaucoup appris des défis auxquels elles sont confrontées, les stratégies adoptées pour les contourner. Plus particulièrement, ce qui m’a touché, c’est le panel sur les croyances et le féminisme et vous savez que chez nous la population est majoritairement musulmane et beaucoup n’osent pas aborder certains sujets mais à écouter les témoignages, j’ai également partagé le mien. J’aurai juste souhaité que nous soyons plus nombreuses à être invitées de la Guinée prochainement parce qu’il y a assez de jeunes militantes féministes guinéennes qui ont besoin de ces expériences ».
Mme Amida TCHAMDJA, coordinatrice du réseau des associations de femmes en action pour le développement qui a partagé son expérience en tant qu’aînée dans la lutte lors des échanges est aussi totalement satisfaite de la journée : « en tant qu’adulte invitée par les jeunes activistes, j’ai beaucoup apprécié les échanges et j’ai compris que les jeunes veulent qu’on leur donne de la place pour qu’elles puissent émerger et devenir plus efficaces. En termes de motivation des jeunes, j’ai senti que la relève est assurée. Il y a de l’envie, il reste juste qu’elles se forment, qu’elles allient activisme et formation, activisme et renforcement de capacité pour qu’elles soient à la hauteur quand on aura besoin d’elles ».
Activiste féministe engagée au Bénin, Mme Chanceline MEVOWANOU n’a pas manqué d’exprimer, son satisfecit : « mes impressions sont très bonnes. C’est un réel plaisir d’échanger, de converser, de discuter de nos stratégies et de faire mouvement ensemble. Il y a eu une diversité remarquable dans les échanges. Au sortir de cette journée, je pense qu’on en retient beaucoup plus de perspectives sur comment construire un mouvement féministe intergénérationnel, sur des stratégies qui marchent aussi en politique et des perspectives de collaboration. Notre expérience au Bénin en matière de stratégie d’immixtion en politique, notre stratégie pour renforcer la sororité, je les ai partagées pour enrichir les réflexions ».
Le Sénégal ayant le plus fort taux d’activistes féministes en Afrique francophone dans la politique, son exemple et les efforts considérables de son mouvement féministe a fait cas d’école dans les discussions. Présidente de l’association WA MBEDMI au Sénégal, Mme Jaly Badiane a exposé les stratégies gagnantes au Sénégal en particulier la solidarité intergénérationnelle entre féministes très efficace. A la fin des travaux, c’est une participante très comblée : « la journée a été riche en échange. On peut dire que nous sommes en train de monter un mouvement féministe francophone efficace. Cette nouvelle jeunesse féministe est consciente des défis et se prépare pour les relever. Nous avons le meilleur taux de femmes à l’assemblée nationale, nous avons une loi criminalisant le viol, toutes ces expériences au Sénégal et comment nous y sommes parvenues sont des choses à partager. Et dans tout échange de bons procédés, il faut relever les choses qui ont marché et celles qui n’ont pas aussi marché. Nous aurons l’opportunité d’en apprendre davantage lors du forum. Les anglophones ont réussi à construire des dynamiques très fortes et il faut qu’on s’y mette également dans le monde francophone pour créer un réseau très fort afin de permettre d’influer dans nos différents pays et surtout de créer un mécanisme d’échanges interrégional pour communiquer et partager les informations et qu’on puisse aussi porter dans les campagnes de plaidoyers qu’on mène dans nos pays ».
Le forum des jeunes féministes avait suffisamment planté le décor de la thématique du forum international francophone cette année : « construire le mouvement féministe francophone : par où commencer ? ».
Seyram kossivi