Elle a fait une apparition tonitruante sur la scène littéraire togolaise. Grande mordue de la plume, Lucia KOMIZA brandit son écriture comme un véritable arsenal de guerre pour décrypter la société. Le destin semblait l’attendre très tôt à la croisée de l’audace et de la détermination pour révéler celle qui allie formidablement l’entreprenariat, la gestion des ressources humaines, la littérature et bien d’autres activités. Une auteure qui a bien voulu se prêter aux questions d’Ekinamag. Lecture !
Qui est Lucia Komiza ?
Lucia KOMIZA est une jeune femme togolaise, gestionnaire de ressources humaines, entrepreneure, maitresse de cérémonie, voix-off et surtout une grande passionnée de littérature depuis toute petite.
En ce qui concerne mes études, après mon bac littéraire, j’ai fait un BTS en communication des entreprises, une licence professionnelle CAMES en Communication et Multimedia puis un Master Français en Management et Commerce International.
Parlez-nous de votre grande passion pour la littérature !
J’ai toujours été très attirée par les histoires et de tous mes livres d’études, les livres de lecture ont été mes favoris depuis l’école primaire. Au collège, j’ai découvert les romans classiques assignés aux classes pour les cours d’expression française et de lecture suivie et dirigée. Au lycée, j’ai découvert en plus les romans d’amour de Daniel Steel, de Barbara Cartland, des Harlequin, des Adoras … des romans policiers, des romans d’aventure et des contes. Lire pour moi est la plus grande des distractions. Je me perds dans chaque histoire que je lis, je la vis comme si j’en étais un personnage à part entière. Au-delà de ça, je me fais assez rapidement démarquer par mon langage fluide et mon expression riche. Je réalise que lorsque je lis et découvre de nouveaux mots, je cherche leur signification, je les adopte inconsciemment et les intègre à mon vocabulaire comme si je les connaissais depuis toujours. S’évader et s’améliorer par la même occasion, il n’y a rien de mieux.
Auteure du roman « Sœurs Consanguines », quels messages véhiculent votre ouvrage ?
Le roman « Sœurs consanguines » est le tout premier que je sors. Il parle de différentes thématiques existentielles, sociales et sociétales telles que l’héritage immatériel trop souvent inconsidéré, de la polygamie, des enfants consanguins, de la convoitise, de la méchanceté gratuite, de l’intolérance, du pardon et du bonheur entre autres. Au sortir de la lecture de « Sœurs Consanguines », l’on devrait réaliser que le bonheur est une décision, un état d’esprit parce que tout ne sera jamais parfait. Il faut apprendre à voir le verre à moitié rempli au lieu de le voir incessamment à moitié vide.
Qu’est-ce qui, vous a poussé à écrire ce livre ?
J’ai été motivée par deux raisons principales. La première est que l’habitude transforme. Une personne qui trouve son plaisir dans une chose, vient à s’identifier à la chose et aura plus tendance à utiliser cette chose à son tour pour s’exprimer. C’est mon cas. Je lis tellement fréquemment et passionnément que je ne trouve pas d’autres moyens de mieux communiquer les choses qui me tiennent à cœur. La deuxième raison est la société actuelle et tout ce qui s’y déroule comme faits de société. J’ai eu l’idée de ce livre en travaillant dans un groupe mixte où chacun venait un matin avec une histoire qui s’est produite dans son quartier. A la fin du projet pour lequel nous avions été embauchés, j’ai synthétisé toutes les histoires dans ma tête et je les ai agencées avec mon imagination pour produire « Sœurs consanguines ».
Vous avez osé aborder un sujet de société important mais tabou : la polygamie
La polygamie est un fait de société souvent banalisé parce qu’elle est devenue un élément de culture surtout en Afrique. Je m’abstiens toujours de juger qui que ce soit parce que je ne connais pas les raisons qui l’ont poussé à faire tel ou tel choix. C’est d’ailleurs le cas dans ce roman avec Dodji, le père de l’héroïne qui s’est retrouvé polygame tout à fait fortuitement. Le plus important pour l’être humain qui désire se procréer aujourd’hui et donner naissance à d’autres êtres humains est de savoir dès lors que ses choix ne l’impliquent plus lui seul mais aussi sa descendance directe. Il a donc le devoir de polir le plus possible l’héritage immatériel qu’il leur lègue pour qu’ils n’en souffrent pas parce qu’ils n’ont pas demandé à naitre. C’est ce que j’explique par ces phrases de la page 120 « Il n’existe pas d’enfant mauvais. Il n’y a que de parents mauvais. »
Au mois de Juin, le café littéraire organisé mensuellement par Goethe Institut et le Ministère du Tourisme et de la Culture a porté sur votre livre. Quelle a été la contribution de cet évènement dans la promotion de l’ouvrage ?
J’ai été agréablement surprise d’être contactée par la Direction Nationale du Livre et des Bibliothèques pour apprendre que « Sœurs Consanguines » avait été sélectionnée comme livre du mois de juin 2022, ce qui me donnait l’opportunité d’un café littéraire dans le sein même du Goethe-Institut ; d’abord parce que c’était ma première sortie d’ouvrage en tant qu’auteure et ensuite parce que cela faisait seulement deux mois que le livre était sorti. Je me suis sentie honorée et privilégiée parce que c’était une reconnaissance et pas des moindres, du Ministère même du Tourisme et de la Culture par le biais de la Direction Nationale du Livre et des Bibliothèques que je remercie chaleureusement. Grâce à cet événement, j’ai pu vendre des exemplaires au Bénin, Burkina-Faso, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et même en France.
A 17 ans, vous avez remporté la première édition du trophée sous régional « Livre d’or 2014 ». Rappelez-nous vos émotions à l’époque. Avez-vous eu d’autres sacres?
Le Trophée Panafricain de Lecture « Livre d’Or » a été ma première expérience internationale en matière de concours. Nous avons eu une phase régionale à la Maison TV5 Monde, une phase nationale dans l’auditorium de la Direction Nationale du Livre et des Bibliothèques et la phase panafricaine le samedi 30 août 2014 au Palais des Congrès de Cotonou avec la participation du Sénégal et du Congo en plus du Togo et du Bénin, pays organisateur. J’ai été très enthousiaste depuis la lecture de l’annonce dans l’enceinte même de mon lycée au début de l’année scolaire et j’avais immédiatement préparé le discours que j’allais faire lors de mon sacre en tant que championne à la finale. C’est ce discours que j’ai effectivement prononcé au bout des dix mois de compétition. J’ai également eu le privilège de remporter le premier prix de plusieurs concours interscolaires et régionaux d’écriture de nouvelles et poésies pendant mes années de lycée. A l’université, j’ai participé en équipe à la première édition des Joutes Verbales Francophones et nous sommes revenus avec le prix spécial improvisé cette année pour récompenser nos performances remarquables.
L’ouvrage « Sœurs Consanguines » est votre premier roman. Y-a-t-il d’autres en perspectives à court terme ?
Définitivement oui. « Sœurs consanguines » aura assurément beaucoup de sœurs utérines. Je travaille d’arrache-pied et je devrais bientôt annoncer une nouvelle sortie.
Parlez-nous de votre intérêt pour les questions de leadership féminin.
J’ai vite fait de prendre conscience du fait que je ne peux atteindre les hauteurs auxquelles j’aspire qu’en apprenant à m’imposer grâce à mes compétences, à me faire entendre et à donner librement mon avis sans avoir peur de représailles ou du regard patriarcal dépassé de la société. Je suis alors allée à l’école du leadership proposée par l’ONG PPDC-AFRICA au travers de son programme « Jeune Femme Leader » qui en une année entière, m’a permis d’apprendre à servir ma communauté, de prendre des responsabilités, d’avoir des objectifs et de travailler conjointement avec toutes les personnes impliquées pour les atteindre.
Si vous avez un message à adresser aux jeunes filles, que leur direz-vous ?
Aux jeunes filles, je dirai simplement que nous sommes le changement que nous voulons voir. S’il en était possible autrement, nous ne serions pas là à revendiquer une société plus égalitaire. Par conséquent, il urge pour chacune de nous de prendre conscience de ses potentialités, d’aiguiser ses compétences et de développer son leadership pour imposer le respect, l’acceptation et la considération que nous revendiquons depuis le siècle dernier.
Merci à EkinaMag
Propos recueillis par Hélène DOUBDIDJI