Des études de comptabilité et gestion, elle se pose dans un atelier de couture pour valoriser les tissus avec des accessoires typiques. Marie-Josée Koumealo CANDIDE JOHNSON, la maîtresse en matière du perlage est connue au-delà des frontières grâce au prêt-à-porter africain fait avec dextérité. Elle s’est confiée au micro de EkinaMag. Lisez plutôt !
Qui est Marie-Josée CANDIDE JOHNSON ?
Je suis une Togolaise, née à Lomé où j’ai grandi et fait mes études. Actuellement, je réside au Nigeria précisément à Lagos où j’ai ma petite famille et mon atelier de couture qui génère mes revenus.
Des études de comptabilité et gestion, votre cœur s’est penché pour la mode notamment la couture. Qu’est-ce qui a été le déclic ou le détournement d’objectifs ?
Déjà très petite, j’étais attirée par la mode et l’élégance. Il m’arrivait de faire de petits changements sur les robes et les habits que m’offraient mes parents. Notamment de petits raccourcissements et allongements des robes, l’ajout des garnitures comme des paillettes et fleurs à la main juste avec un fil et une aiguille. À l’adolescence je continuais les retouches.
Une petite anecdote, lorsque je faisais ces retouches, maman était très émerveillée. Aussi, j’ai ma grande sœur qui est couturière et qui en ce moment faisait recours à moi pour demander conseils afin qu’elle réussisse les commandes de ses clients d’alors. Elle me disait voilà les tissus, il y a tel client qui veut que je lui confectionne cet habit, comment le faire? J’apportais ma touche en lui demandant par exemple de mettre la manche de tel côté pour le charme de la tenue et ce sera unique. Effectivement quand elle appliquait mes directives, le résultat était satisfaisant. En ce moment, j’étais sur les bancs de l’école avec l’idée selon laquelle à la fin des études, j’allais être embauchée pour travailler dans un bureau. Cependant, je rêvais quand même que je serai dans la mode un jour notamment faire la couture. En outre, lorsque je demande à me faire coudre des tenues, je les dessine mes modèles. Lorsque je suis arrivée au Nigeria , leur mode vestimentaire m’a subjuguée et étant passionnée de la couture, j’ai choisi de faire carrière dans le domaine.
Vous êtes ancrée dans la filière et vous avez passé de différentes étapes. D’abord vente d’accessoires de mode, ensuite ouverture de 1ère boutique de prêt-à-porter africain au Nigeria enfin votre perfectionnement en couture sur mesure à la prestigieuse maison de mode DUBERRY DESIGNS à Londres. Parlez-nous de ces étapes et pourquoi avoir tissé progressivement la trame de votre histoire ?
J’ai débuté avec la vente d’accessoires de mode en 2009 à Lomé. Trois ans après, je me suis installée à Lagos où j’ai ouvert en 2012 ma première boutique de prêt-à-porter africain suite à une forte demande de design à la togolaise que les Nigeriannes adorent. Par ailleurs, ma clientèle s’est intéressée à la mode togolaise, sénégalaise et je faisais coudre des pagnes imprimés wax, des tissus bazin brodés et des tenues sénégalaises et c’est la genèse de cette boutique mère implantée au Nigeria.
Pour éviter la monotonie et diversifier mes offres, j’ai ajouté ma particularité qui est le perlage et la pose des pierres puisque les Nigeriannes affectionnent les habits faits mains avec des perles et des pierres. Et c’est grâce à cet art du perlage que j’ai beaucoup de commandes et de demandes de confection.
Concernant mon perfectionnement en couture sur mesure à la prestigieuse maison de mode DUBERRY DESIGNS à Londres, étant une autodidacte et surtout que la couture est un don pour moi, je dois aller à une école pour le bonheur de mes clients. Là, j’ai appris à couper les patrons pour qu’à mon absence les tailleurs peuvent reproduire la tenue sans retouche aux clients qui vont passer la commande et surtout pour qu’ils ne soient pas déçus. C’est une formation intermittente de six (6) mois et je devrais retourner mais la restriction due à la crise sanitaire a influé sur la durée de la formation. Etant donné que la mode est un domaine vaste, il va falloir me recycler dans la coupe des pantalons et vestes et c’est le défi à relever très prochainement.
Vous avez pensé à vos concitoyens togolais, en ouvrant à Lomé une maison du nom de House of J&J où se font la couture et la broderie avec une spécialité rare. Quelle est cette spécialité et pourquoi une telle option ?
Lorsque je revenais au Togo et je portais mes propres créations, tout le monde était séduit et les curieux demandaient l’adresse de cette personne aux doigts de fée mais ils étaient déboussolés par le prix qu’ils jugeaient un peu cher et surtout que c’est pas en vogue le perlage. C’est en 2020 durant la crise sanitaire où j’ai passé six ( 6) mois à Lomé que l’idée m’est venue de faire la même chose ici comme je le fais à Lagos, la vente du prêt-à-porter africain. Occasion pour montrer à la population, notre spécialité qui est le perlage pour ressortir le motif des pagnes. Ça donne une touche non seulement d’élégance et de beauté mais aussi une touche de féminité à une tenue. Et cette dernière aussi simple qu’elle soit peut devenir une œuvre d’art avec des perles et pierres faites par la main.
Votre goût prononcé pour la finesse et l’originalité, est-ce une qualité ou une déformation professionnelle ?
Je dirais que c’est une qualité car de nature, je suis très exigeante et j’adore la perfection. N’oublions pas que ce qui fait la splendeur d’une tenue est la finition alors je mets de l’énergie et le talent qu’il faut pour avoir une finition parfaite, beaucoup de finesse et beaucoup d’originalité. Une tenue de chez House of J&J couture se reconnaît tout de suite parmi tant d’autres. Nous avons notre façon de coudre des habits et de mettre les perles et les pierres. C’est d’ailleurs ce qui fait que la plupart de mes clients sont satisfaits.
À quoi servent vos études de comptabilité et gestion dans la tenue de vos boutiques ?
Les études que j’ai faites m’ont permis de faire la comptabilité et la gestion de mes entreprises. Je suis ma propre gestionnaire et c’est un atout. Grace à mes études en gestion, j’ai su comment gérer et faire la promotion de la boutique en vue de sa visibilité et la gestion du personnel, l’accueil et la satisfaction des clients. Quant à la comptabilité, elle me permet de faire les calculs des bénéfices etc.
La couture est considérée à tort comme une filière où il n’y a que des gens qui n’ont pas connu un succès dans les études mais vous prouvez le contraire par votre cursus? Réaction !
Aucun métier n’est à dénigrer parce qu’il n’y en a pas un qui soit facile. Être couturière, ne veut pas dire qu’on est illettré ou analphabète et donc la dernière chance c’est de s’accrocher à la machine pour coudre. Les mesures des clients sont prises en langue officielle du pays et donc il faut aller à l’école. Pour couper le tissu, il faut faire des calculs et les études sont indispensables pour être à la hauteur. La couture est un métier qui demande beaucoup de réflexion et de concentration. Il faut tout le temps être innovant et créatif. Il m’est plus difficile d’aligner quatre ou cinq collections dans l’année comparé à ce que je déployais comme énergie pour réussir jadis mes examens de fin d’année. Ce n’est pas parce que j’ai un diplôme en comptabilité et gestion que je ne peux pas faire la couture; c’est une passion à laquelle je ne peux me soustraire. Lorsque j’avais commencé plusieurs de mes camarades avaient essayé de me réorienter vers d’autres activités qu’ils croyaient fructueuses et rentables que la couture. Mais étant une personne de principe, je savais ce que j’allais faire et ce pour quoi je travaillais dur. Mes études me servent aujourd’hui à me passer d’un comptable gestionnaire.
Les tenues qu’on trouve dans vos boutiques sont confectionnées à Lomé ou à Lagos ? Et qu’en est-t-il de votre clientèle ?
Mes tailleurs et ouvriers sont en majorité à Lagos, ma ville d’adoption. Pour faire face à la demande j’ai ma base dans cette ville nigériane où tout se fait en couture comme perlage.
À Lomé, j’ai un tailleur qui s’occupe des retouches au cas où un client veut une modification sur un habit payé dans nos boutiques. De temps en temps l’équipe du Nigeria vient à Lomé pour faire profiter notre savoir-faire à la clientèle.
De Lagos à Lomé en passant par les USA, le Canada, les pays de l’Europe, de l’Asie et bien entendu de l’Afrique, nos clients sont nombreux. Hommes comme femmes, ils sont de diverses tranches d’âge, ayant en commun un goût prononcé pour la finesse, l’originalité et le professionnalisme
Un mot à l’endroit des filles qui ont des talents à revendre en couture et des parents qui sont contre le désir de leurs progénitures?
Mon conseil aux filles qui voudraient embrasser mon domaine est de ne pas avoir peur de ce qui se dit autour de leur passion et de ne pas baisser les bras et surtout d’être motivées. Je dirai également aux parents d’écouter leurs enfants afin de les orienter vers ce qu’ils aiment et les aider à y parvenir. Le plus important est de démontrer aux parents qu’ils n’ont pas eu tort de les laisser faire leur passion. C’est toujours difficile aux parents de laisser leurs enfants aller vers la couture ou vers un métier artistique surtout avec un bon cursus scolaire, sanctionné par un diplôme. Toute personne a un don et la société dans laquelle nous vivons aujourd’hui n’est plus pourvoyeuse d’emplois et c’est l’entreprenariat qui est un grand atout pour qui a un talent et un savoir-faire.
Notre magazine est dédié aux femmes et aux filles en général. Avez-vous un message à leur délivrer ?
Tout d’abord je tiens à remercier le magazine EkinaMag pour les efforts qu’il fait pour la promotion de la femme et la jeune fille.
Le message que j’ai aux filles principalement est de ne pas lâcher et de se battre. Il y a un réel essor qui est remarqué au niveau du genre féminin et l’heure n’est pas au découragement mais les efforts doivent être menés afin que les objectifs soient atteints en termes de parité, en termes d’émancipation.
Interview réalisée par Ida Badjo