Après l’avoir interviewée sur le cancer du sein, EkinaMag est encore avec Docteur DILLE MAHAMADOU pour parler du cancer du col de l’utérus qui est l’un des cancers les plus fréquents chez les femmes en Afrique. Dans cet entretien, Dre MAHAMADOU, administratrice technique en charge du cancer pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique explique tout sur ce qu’il faut savoir de cette maladie, ses symptômes, les facteurs de risque, comment la prévenir, les traitements disponibles… Si le cancer du col de l’utérus peut s’avérer mortel, il peut aussi être évité, en respectant un certain nombre de précautions. Lisez plutôt :
Qu’est-ce que le cancer du col de l’utérus ?
Comme pour le cancer du sein, le cancer du col de l’utérus est un amas de cellules anormales au niveau du col de l’utérus. Il s’agit des cellules qui ont échappé au mécanisme de régulation normale de l’organisme et qui se développent de manière anarchique. La différence avec le cancer du sein, c’est que le cancer du col de l’utérus est une maladie évitable.
Le cancer du col de l’utérus : quels sont ses symptômes ?
Les signes du cancer du col de l’utérus dépendent du stade de la maladie.
Dans les stades précoces, la personne peut avoir de petites douleurs et/ou des saignements minimes au moment des rapports sexuels ou des toilettes intimes.
A un stade plus avancé, ces saignements deviennent spontanés, abondants associés à un liquide très fétide. On peut citer l’apparition de saignement en dehors des règles et les saignements chez une femme déjà ménopausée.
Si le stade est très avancé, le cancer peut aussi toucher la vessie et le rectum et entrainer des fistules. La femme observe alors des selles ou des urines dans son vagin mélangé à du sang. On peut aussi observer une augmentation du volume d’une cuisse et/ou jambe qui peut être douloureuse ou non.
Quand la maladie dépasse le col de l’utérus et que les cellules cancéreuses passent dans le sang pour atteindre d’autres organes comme les poumons, le foie, le cerveau, on parle de métastases et la femme peut tousser, avoir des maux de tête, vertiges, douleurs au ventre, liquide dans le ventre etc…
Parlez-nous alors des facteurs de risque de la maladie
La principale cause de ce cancer est un virus qui est une infection persistante du PVH ou virus du papillome humain. C’est un virus qui se transmet principalement au cours des rapports et des contacts sexuels ; parfois au contact avec des objets ou de mains contaminées ou de la mère à l’enfant.
Il existe plus de 150 types de papillomavirus, dont environ 40 peuvent infecter les organes génitaux des hommes et des femmes avec moins de la moitié qui sont dit à ‘’haut risque’’ c’est-à-dire qu’ils peuvent entrainer un cancer.
Ces virus sont aussi à l’origine d’autres cancers du même type au niveau de la bouche, de l’anus, du pénis, de la vulve, du vagin, de l’oropharynx. Ce sont surtout les PVH 16,18 mais aussi à une moindre fréquence les PVH 31,33,35,39,45,51,52,56,58,59,68,73,82,26,53,66.
Mais il faut savoir que ce ne sont pas toutes les femmes qui sont atteintes de ce virus qui feront le cancer du col de l’utérus. C’est pour cela qu’ont dit que « le cancer du col est la conséquence rare d’une infection fréquente ». L’infection au VPH est fréquente chez les femmes et les hommes sans entrainer de signes particuliers comme les autres IST.
C’est là qu’interviennent l’influence d’autres facteurs de risque: partenaires multiples, fréquence des IST, absence de circoncision du partenaire, les accouchements multiples… Le tabac et le VIH sont également des facteurs importants.
Que faut-il faire pour la prévenir ?
La bonne nouvelle, c’est que c’est un cancer que l’on peut éviter. Le meilleur moyen pour l’éviter est la vaccination des filles de 9 à 15 ans, le dépistage des femmes à partir de 30 ans avec un test de haute performance suivi du traitement des lésions précancéreuses. Et à partir de 25 ans pour les femmes vivant avec le VIH.
Il faut aussi savoir que ce cancer peut être éliminé comme problème de santé publique. Cela veut dire qu’on peut atteindre moins de 4 cas de cancers pour 100 000 femmes et réduire de 40% le nombre de nouveaux cas d’ici 2030.
C’est l’objectif de la stratégie mondiale d’élimination du cancer du col de l’utérus que l’OMS a lancé en 2021 et qui dit que l’on peut éliminer ce cancer si chaque pays peut mettre en œuvre les mesures suivantes :
Vacciner 90% des filles avant l’âge de 15 ans, dépister 70% des femmes à l’âge de 30-35 ans et encore à 45 ans à l’aide d’un test performant et à 25 ans si la femme est HIV+.
Traiter 90% des femmes dépistées de lésions précancéreuses ou de cancer ce qui inclut aussi la prise en charge des femmes qui nécessitent des soins palliatifs.
Y-a-t-il d’autres méthodes de prévention autre que la vaccination ?
Cela va vous faire rire mais je dirai qu’il existe 2 autres méthodes :
– L’abstinence sexuelle pour le garçon et la fille avant le mariage et la formule 1 homme avec 1 femme pour la vie.
– Le dépistage du cancer du col de l’utérus qui est une méthode de prévention secondaire très efficace. Il faut savoir que le cancer du col de l’utérus passe par un stade précancéreux qui peut durer 10 à 20 ans. Cela laisse suffisamment de temps pour le dépistage et le traitement de ces lésions pour éviter qu’elles ne se transforment en cancer.
Une chose importante aussi à retenir est que le vaccin protège contre les virus qui sont responsables de la plupart des cancers du col de l’utérus mais pas de tous ; donc la vaccination doit être couplée au dépistage pour ne pas rater les lésions précancéreuses qui peuvent être induites par les autres types de virus VPH que j’ai cités plus haut.
Peut-on en guérir ? Qu’en est-il du traitement ?
Bien sûr mais comme toutes les maladies quand on détecte tôt le cancer du col de l’utérus, on a plus de chances de guérison.
Le traitement sera une association ou non des 3 méthodes suivantes en fonction du stade de la maladie. La chirurgie qui consistera à enlever une partie du col de l’utérus, l’utérus et parfois des ganglions profonds dans le bassin, la radiothérapie et la chimiothérapie.
Pour les lésions précancéreuses, il suffit juste de détruire la lésion par la chaleur (ablation thermique) ou par le froid (cryothérapie). C’est un acte qui dure quelques minutes, c’est indolore et cela peut être réalisé juste après le dépistage. C’est la stratégie du ‘’screen and treat’’ que l’OMS recommande. La femme est traitée tout de suite et elle est rassurée qu’elle ne va pas développer de cancer. Il suffit juste qu’elle se fasse dépister régulièrement.
Quand on détecte le cancer très tô,t parfois la chirurgie seule suffit. Mais l’idéal est de faire régulièrement le dépistage pour détecter les lésions précancéreuses permettant de traiter rapidement et sans séquelles ; cela veut dire que la femme va conserver son utérus et donc sa fertilité.
Propos recueillis par Hélène DOUBIDJI