La seule évocation de l’expression fait jaser beaucoup de personnes. « Comment peut-on parler de viol alors que c’est ma femme ? » s’indigne un interviewé dans les rues de Lomé qui comme bien d’autres, y trouvent un paradoxe. Les sociétés traditionnelles traînent malheureusement l’idée selon laquelle l’homme doit disposer de sa femme, en tout besoin. Cette pratique est une violation des droits humains, selon les textes en vigueur.
Le viol conjugal dont sont souvent victimes les femmes fait partie de cette catégorie de « violences tolérées » dans les sociétés patriarcales. Or la pratique est punie par la loi. En effet, conformément au nouveau code pénal du Togo (Art. 211), « le viol consiste à imposer par fraude, menace, contrainte ou violence, des relations ou pénétrations sexuelles à autrui ».
L’article 212 dudit code poursuit que « toute personne, auteur de viol est punie d’une peine de réclusion criminelle de cinq (5) ans à dix (10) ans et d’une amende de deux millions (2 000 000) à dix millions (10 000 000) de Francs CFA.
Le même article précise que « s’agissant de la relation sexuelle imposée par la violence, la contrainte ou la menace par un conjoint à un autre, elle est punie d’une amende de deux cent mille (200 000) à un million (1 000 000) de Francs CFA ou de sept cent vingt (720) heures de travail d’intérêts général.
Plusieurs personnes interviewées dans les rues de Lomé sur la question du viol conjugal s’étonnent. « Pourquoi l’ai-je alors épousée ? », s’interroge Komlan, un mécanicien qui indique que sa femme doit répondre à chaque fois qu’il le désire, sinon il ira « voir ailleurs ».
Il clair que le viol se produit souvent dans le lit conjugal. Mais quand l’agresseur est son partenaire, il est difficile d’en parler. La question est déjà un grand tabou. En témoigne les propos d’Akpedze, coiffeuse : « Quand je ne me sens pas disposée à coucher avec mon mari, je vis un calvaire. Il fait preuve d’agressivité et me force parfois à passer à l’acte. Mais j’ai de la honte à en parler».
Dans plusieurs cas de figure, tout se déroule au détriment de la victime. Malgré les séquelles qui sont parfois des coups et blessures, rares sont les femmes qui osent porter plainte. Subir sans rien dire, devient la décision finale pour beaucoup.
Et pourtant, « il suffirait que les victimes saisissent les organisations de la société civile qui interviennent sur ces questions pour qu’elles soient aidées », informe Ingrid ASSOGBA, juriste qui déplore le fait que les rares femmes qui en parlent aux associations refusent paradoxalement que ces organisations interviennent en leur faveur par peur des représailles.
« Il y a sérieusement des cas assez graves. Mais souvent, les victimes se rétractent quand nous souhaitons enclencher une procédure judiciaire », souligne Ingrid.
Le chemin reste encore long à parcourir pour changer les mentalités ce qui pourra aider à changer les comportements. Dans un contexte où le mariage et la vie en couple suffit à « légitimer » un tel abus très nuisible psychologiquement et parfois physiquement pour les victimes, le législateur se doit de renforcer l’arsenal juridique. Les organisations de défense des droits humains doivent veiller à faire régulièrement un rappel formel et sans ambiguïté des textes en vigueur pour éveiller les uns et les autres. Au demeurant, la sensibilisation urge. Aux victimes, discuter des faits avec un proche ou une organisation qui saura écouter véritablement et aider est facteur important.
Seyram Kossivi