Son choix d’abandonner un poste à la pharmacie pour embrasser la cordonnerie a été incompris. Sept ans plus tard, la passion pour ce métier, habituellement exercé par les hommes, l’anime toujours autant. Elle, c’est Agbo Deborah.
Sur la terrasse de la maison, remplie de chaussures hommes-femmes de différentes couleurs et pointures, Deborah travaille en toute tranquillité.
« Les gens me demandent souvent, si c’est bien moi-même qui fabrique les chaussures. Pour certains, il parait impensable que le cordonnier soit une femme. D’autres sont juste curieux. Ils veulent voir si ce que fabrique la femme est bon », affirme la jeune dame qui parle passionnément de son travail.
Pour elle, le métier de cordonnerie est un travail à plein temps qui ne donne pas de répit : « lorsqu’il y a beaucoup de commandes, nous veillons la nuit pour pouvoir satisfaire à temps les clients. Nous n’avons pas de jours et heures de repos définis. On travaille à tout moment. »
Si la cordonnerie est longtemps réservée à la gent masculine, aujourd’hui, de plus en plus de femmes la pratiquent au grand plaisir de l’artisanat.
S’agissant de Deborah, c’est en 2015, qu’elle a décidé de quitter un poste à la pharmacie pour tracer sa voie dans cette profession, sans complexe, malgré les difficultés. Un travail qu’elle n’a jamais appris.
Elle relate : « j’ai commencé par exercer sans formation. J’étais d’abord inspirée par deux amis jumeaux qui redonnaient vies aux chaussures usagées, ensuite par un film qu’on passait à l’époque à la télé dans lequel se trouvaient deux sœurs jumelles cordonnières. Quand j’ai regardé ce film, je me suis dite, c’est le travail que je vais faire. »
Une artisane née
L’envie pour le métier étant devenue grande, un heureux hasard a bien vite fait de court-circuiter le processus.
Pour une fête à l’église, Deborah a décidé de porter sa propre création. A l’aide de l’aiguille, elle a confectionné à la main son uniforme en pagne, puis collé des morceaux du pagne sur un sac à main et une paire de chaussures et le tout était assorti.
« Quand j’ai porté la tenue en ce temps là où il était très rare de voir ce type d’ensemble, tout le monde voulait avoir la même chose. C’est comme cela, que j’ai commencé par recevoir des commandes et ainsi je rhabillais les chaussures et sacs abandonnés. »
Encouragée par son conjoint, la jeune femme passera au stade de fabriquant de chaussures.
«J’avoue que c’est mon conjoint qui m’a fortement poussé à faire plus que, ce que je faisais. Quand j’ai démarré la fabrication, mes premières réalisations n’étaient pas parfaites. Au fur et à mesure, je m’améliore en le faisant. J’utilise souvent de différents matériaux pour voir ce que ça donne. Je travaillais à la main au tout début mais j’ai fini par payer une machine à coudre que j’ai apprise seule à pédaler», raconte la propriétaire de la marque DD Fashion.
A un moment, le désir d’avoir une touche originale à ses travaux s’est imposée et les innovations sont apportées en termes du choix du matériel, du design, du motif et des types d’articles proposés.
Parlant du prix des articles, elle affirme : « le prix de la paire varie en fonction de la quantité demandée. Les sandales sont vendues à partir de 2000 F CFA l’unité. Mais il y d’autres articles que nous vendons à 5000 FCFA, 10 000 FCFA, 20 000 FCFA, 30 000 FCFA etc. Cela dépend du design et du matériel utilisé. Nous vendons en gros et en détails. On reçoit des commandes un peu partout. Nos produits sont exportés en Occident, au Nigeria, Ghana, Benin, Cameroun en Côte d’ivoire, en occident ».
Néanmoins, trouver les matières premières demande souvent effort mais la cordonnière s’y met.
Aujourd’hui, elle est soutenue dans son activité par ses parents et ses frères qui sont les agents marketing et publicité de sa structure.
L’entreprise est actuellement gérée par une petite équipe solide y compris son conjoint. « Comme j’ai l’habitude de le dire je tiens une usine de fabrication de chaussures au Togo. J’ai commencé seule dans ma chambre. Aujourd’hui, nous sommes trois personnes et nous travaillons sur la terrasse. On évolue. S’il faut refaire, je le referai. Je gagne mieux que quand je travaillais à la pharmacie, en plus je vie ma passion », se réjouit Deborah.
Chrétienne, elle puise son profond optimisme et sa détermination de la Bible.
L’amoureuse des souliers saisit l’occasion pour inviter la population à consommer le local. Elle encourage les femmes à travailler et bosser dure pour être « autonome ».
« Nous sommes capables de tout et nous devons user de cette capacité pour travailler au même titre que nos maris », dit-elle.
Agbo Deborah propose aussi de la maroquinerie, des articles en cuir. Par ailleurs, elle donne de temps en temps des formations en fabrication des chaussures en ligne.
Ecrit par Hélène DOUBIDJI