Première femme intronisée cheffe traditionnelle dans la préfecture de Yoto, Nana Ayaba Agbenyigan Blitti 2, défend avec la même pugnacité les valeurs de sa communauté et contribue au développement de son village Akladjénou Ameganpé.
Nana Ayaba Agbenyigan Blitti2 est une personne très respectée dans sa localité. L’accoucheuse retraitée, devient en 2015, l’une de ces exceptionnelles femmes au Togo à avoir accédé au statut de chef du village.
« J’ai été investie cheffe du village d’Akladjenou Ameganpé, le 10 Janvier 2015. Notre village est situé dans le canton de Tokpli et compte plusieurs centaines d’habitants. C’est un honneur. Tout le monde est très content de voir pour la première fois une femme cheffe. Je suis fière de porter ce titre. Avec le soutien de mes enfants et ma famille, accompagné de la prière et la détermination, j’assume pleinement ce rôle », déclare-t-elle.
Mariée et mère de 3 enfants, Nana Ayaba Agbenyigan est issue d’une famille royale. Après le décès de son grand père, le précédent chef, il y a eu une période intérimaire. Et quand le moment est venu de designer à nouveau un chef, le choix est porté sur elle.
« Certes, il y a des hommes mais ceux sont eux-mêmes qui m’ont désignée et j’ai accepté », clarifie-t-elle.
Dans le village d’Akladjénou Améganpé, la désignation des chefs traditionnels se fait par voie d’héritage. La famille royale propose le successeur désigné lors d’une réunion de famille. Un procès-verbal est établi et présenté à la population et à l’autorité administrative. Le chef est intronisé selon les rites coutumiers. Ce dernier choisit librement ses notables qui doivent représenter chaque quartier du village.
Pour Nana Ayaba Agbenyigan, sa désignation est un heureux hasard. Habillée en tenue traditionnelle, couronne sur la tête, elle relate : «quand j’étais petite, on quittait notre village pour aller à l’école dans un autre village, très loin. Il n’y avait même pas de voies. On passait par la brousse. Une fois, je causais avec mon grand frère et je lui ai dit que si on pouvait me choisir un jour comme cheffe, je vais mettre fin à ces types de souffrance. Je lui ai dit que je ferai tout pour que notre village soit reconnu par l’état. Par coïncidence, quand mon prédécesseur est décédé, pour le remplacer la famille a décidé que ce soit moi ».
Aujourd’hui, sa localité se développe. Elle est dotée d’un centre de santé, un collège, un forage, une route en construction etc…
« Avant les femmes enceintes parcouraient 7 Km pour aller accoucher. J’en ai même parlé au chef de l’Etat. Aujourd’hui, on a un centre de santé dans le village. Nous avons aussi maintenaient un CEG pour le moment construit avec des matériaux de fortune. L’année dernière, ils étaient 33 élèves à aller au BEPC et 32 ont réussi », se réjouie-t-elle.
Kossi Adjoga, un habitant d’Akladjénou n’en revient toujours pas. « C’est quelque chose d’inédit qui est arrivé dans notre village. On était tous surpris que ce soit une femme notre cheffe », a-t-il affirmé, avant de décrire son cheffe comme « une guerrière très dynamique qui a apporté beaucoup de changements dans sa localité. »
Comme tout chef traditionnel, Nana Ayaba Agbenyigan Blitti 2 a pour mission de veiller à l’intégrité des us et coutumes, travailler pour le développement de sa localité, à la promotion de la paix et la cohésion sociale au sein de sa communauté. Elle s’occupe aussi du règlement des litiges sur des sujets tels que le foncier et les problèmes quotidiens de cohabitation entre citoyens. En revanche, elle n’a pas compétence sur les questions liées à la violence, au vol et autres délits qui sont du ressort du pouvoir judiciaire.
Elle décrit les qualités d’un chef comme suit : « il doit être exemplaire et savoir tenir sa langue. Un chef ne boit pas dans les bars, il se comporte bien, se respecte, ne prend pas partie et cherche toujours l’intérêt général ».
« Le sexe ne doit pas être un obstacle »
Selon la cheffe du village d’Akladjénou Améganpé, « c’est la peur induite par l’éducation qui nous fait croire que certains domaines sont faits pour les hommes et d’autres pour les femmes. Le sexe ne doit pas être un obstacle. Il n’y a rien que l’homme peut faire et que la femme ne peut pas faire. C’est aux femmes de s’affirmer ».
Le grand souhait de la cheffe pour son village Akladjénou Améganpé est que les filles et femmes réussissent au même titre que les hommes.
Au demeurant, les chefferies traditionnelles qui généralement sont la chasse gardée des hommes, s’ouvrent peu à peu aux femmes. Comme quoi, la période où l’autorité féminine est bannie disparait progressivement.