Elle aspire travailler dans le système des Nations Unies afin de mettre ses compétences en matière de Santé Sexuelle et Reproductive aux services des jeunes pour un monde égalitaire. Hayathe AYEVA, 22 ans, étudiante en fin de parcours licence pharmaceutique à l’ENAM est activiste et défend les questions de Santé Sexuelle et Reproductive des adolescents et jeunes au Togo, depuis une dizaine d’années. Dans cette interview accordée à Ekinamag, la présidente du Mouvement d’Action des Jeunes (MAJ) de l’Association Togolaise pour le Bien Être Familial (ATBEF) parle de son engagement qui lui a valu plusieurs distinctions. Elle évoque également les différentes difficultés rencontrées dans le cadre de ses différentes missions et multiples occupations et revient en outre sur son initiative « Solution Hayathe », lancée à l’occasion de son 21ème anniversaire. Lire plutôt :
Présentez-vous à nos lecteurs ?
Je suis Hayathe AYEVA, étudiante en fin de parcours licence pharmaceutique à l’ENAM. Je suis native de la ville de Sokodé et j’ai 22 ans. Parallèlement aux études, je suis militante et activiste défenseuse des droits humains en particulier l’éducation à la Santé Sexuelle et Reproductive des adolescents et jeunes au Togo. Très engagée dans différentes associations, je capitalise 10 ans de volontariat à l’ATBEF. Je suis membre du Conseil d’Administration de l’ATBEF, 1ere fille Présidente Nationale à la tête du Mouvement d’Action des Jeunes MAJ de l’Association Togolaise pour le Bien Être Familial (ATBEF) depuis Novembre 2018. Je suis également point Focal Jeune du FP2030/PO au Togo, initiatrice de la « Solution Hayathe », récemment représentante des jeunes au sein du Conseil Consultatif du Partenariat de Ouagadougou et membre du Groupe Consultatif Technique de l’Institut Africaine des Politiques de Développement (AFIDEP) et Exemplares in Global Health.
Une vraie combattante pour la santé sexuelle et reproductive des adolescents et jeunes, qu’est-ce qui vous a poussé à s’engager, si tôt sur la question?
Comment réussir à faire comprendre aux parents, aux gardiens des us et coutumes, que les filles et jeunes femmes avaient naturellement un rôle à jouer dans l’émancipation de nos communautés ? Comment les persuader à changer de regard, de mentalité sur la jeune fille ? A donner autant d’opportunités aux filles qu’aux garçons ? Ce sont les questions auxquelles j’essaye de trouver des réponses, à travers mon engagement.
J’ai décidé de me lancer dans cette cause, parce que je ne supportais vraiment pas de voir mes amies brillantes à l’école et sûrement promises à un bel avenir, du jour au lendemain abandonnées les classes pour des raisons de mariage ou grossesses précoces. C’est quelque chose qui m’attristais et me révoltais, car j’estimais qu’ensemble nous devons cheminer, faire les études supérieures et devenir indépendantes financièrement.
Personnellement, j’ai eu la chance de grandir dans une famille musulmane où la jeune fille a son mot à dire et mon entourage fait tout pour me permettre d’évoluer. Malgré tout, ce n’est vraiment pas aisé d’aborder des questions liées à la sexualité avec les parents.
A l’âge de 10 ans, j’ai fais connaissance du Club lumière de plan international Togo et à 12 ans, j’ai j’adhéré par l’intermédiaire de mon oncle au Mouvement d’Action des Jeunes de l’ATBEF. Au cours des activités, j’ai pris conscience, qu’ériger la sexualité en tabou dans les familles nuit beaucoup aux relations parents-enfants, pire abandonnent les adolescents et jeunes à leur sort, qui par manque d’informations prennent des décisions qui parfois ont des conséquences irréversibles.
Interpellée sans cesse par ma conscience et ayant en tête les antécédentes expériences de mes amies qui avaient dû arrêter les études, j’ai décidé de m’engager pleinement. C’est ainsi que j’ai démarré mes premières activités de sensibilisation des pairs sur les maladies sexuellement transmissibles, la nécessité de se protéger ou de s’abstenir, la sexualité responsable…
Comment, arrivez-vous à gérer vos différentes missions et multiples occupations, en plus des études ?
En un mot, je dirai c’est un « sacrifice ». Oui, entre mes occupations académiques qui demeurent la priorité, je fais preuve d’organisation et de planification. S’il le faut parfois, pour des activités sur le terrain, je n’hésite pas à demander des permissions bien évidemment, il faudra se rattraper par des nuits blanches. Parfois, je n’hésite pas à annuler, s’il y a des conflits d’agenda.
Tout est question de trouver le juste milieu, prendre également soin de soi, de sa santé pour toujours donner le meilleur de soi.
Quelles sont les difficultés au quotidien ?
Les difficultés sont multiples et il y en aura, entre vie d’activiste et vie estudiantine, vous convenez avec moi que ce n’est pas évident. Ma cause étant sensible car elle touche la sexualité qui constitue un tabou dans nos sociétés, il est un peu difficile de l’aborder dans certaines communautés. Je rencontre aussi des difficultés liés aux ressources financières et matériels afin d’atteindre un plus grand nombre de personnes en particulier celles des milieux très reculés.
Parfois, je n’ai ni de week-end, ni de jours ouvrables. Je travaille comme si chaque jour est une nouvelle opportunité pour faire ou changer quelque chose. Tout le monde ne comprends pas le pourquoi de cet engagement fort et des gens se permettent de te démotiver par leur paroles et actes. Mais je sais que sur le chemin de ma vie je rencontrerai des goulots d’étranglements, il y aura des obstacles, des erreurs, des doutes, des déceptions mais il y aura aussi des triomphes, des succès, des victoires.
Votre engagement vous a fait valoir des distinctions et nominations. Parlez-nous-en !
Nombreuses ont été les distinctions néanmoins il y’a encore du chemin à faire
- En 2013 j’ai eu le prix du plus jeune contribué de l’ATBEF
- En 2015, je suis reconnue pair Educateur de l’ATBEF à travers le Projet Choice
- En 2017, j’étais Lauréate du concours FESPOCOLE de la Région Centrale
- En Septembre 2019, j’étais sacrée Jeune fille Leader de Sokodé à travers l’évènement Sokodé Musique Awards
- En Mars 2020, j’étais nominée dans la catégorie sociale à la Nuit des Influenceurs et des Marques
- En Octobre 2020, j’étais co-lauréate de la 10eme session des Universités d’Eté des Droits Humains (UEDH)
- En Mai 2021, j’ai reçu le tableau honorifique de l’ONG VED
- En Août 2021, j’ai eu le prix spéciale de l’institut Manakel pour mon accompagnement et engagement pour l’épanouissement de la gente féminine
- En Novembre 2021, j’ai eu le certificat de African Youth in Health de l’Union Africain
Où trouvez-vous souvent cette énergie débordante pour rester toujours constante dans votre engagement?
Je me le demande souvent moi-même. J’ai l’habitude de dire que Dieu, l’omnipotent comme j’aime bien l’appeler est l’essence de toute chose, il est la puissance. Je crois en cette force surnaturelle qui agit à sa manière avec stratège, pour enfin dire que toute cette énergie provient de lui.
Arrivée à un Stade de ma vie, j’ai compris que tout ce que je fais a sa raison d’être et que c’est une mission qui m’est assignée. Je me dois de l’accomplir avant de partir.
Je dois aussi mentionner le soutien indéfectible de mes parents en particulier ma mère qui me motive. Elle ne cesse de nous dire « n’attendez rien du hasard, osez, osez, osez et battez-vous pour votre futur ».
L’énergie qu’on dégage nous provient aussi de toutes ces personnes qui encouragent nos efforts et qui témoignent de ce que nous apportons dans leur vie. Cela donne la force de faire encore mieux.
La plus grande aspiration de Hayathe?
J’aspire travailler au sein du système des Nations Unies, afin de mettre mes compétences en matière de Défense des droits humains, de Santé Sexuelle et Reproductive ; tel est ma plus grande aspiration.
Au niveau local, j’ambitionne également mettre en place des mécanismes d’orientation de conseil, des jeunes de ma ville natale, pour réduire certaines pratiques néfastes (avortement clandestins, violences baisées sur le genre, les grossesses précoces).
Aussi, au niveau national, je vais proposer et faire valider la loi Hayathe, donnant des voies et moyens aux jeunes de maitriser la SSR.
Au niveau international, je compte également mener avec des organisations sœurs des plaidoyers auprès des institutions onusiennes et d’autres partenaires financiers pour que des mécanismes de financement puissent améliorer les conditions sanitaires, la recherche scientifique locale afin de proposer des solutions adaptées en prenant compte davantage des conditions des bénéficiaires.
Au soir de ma vie, je ne voudrais pas juste qu’on m’applaudisse mais plutôt qu’on clame que mes actions on eu un impact positif dans la vie de 1 ou 2 sur 3 jeunes.
Vous avez d’autres passions, la communication et l’écriture. Parlez-nous-en ?
Ecrire me rend libre et me permet d’explorer des mes pensées et le monde. Une petite confidence, j’ai entamé, il y a de cela quelques années, la rédaction d’un petit recueil de poésie, vous en saurez davantage au moment opportun. Ma première poésie s’intitule « Hommage à Nelson Mandela. Tiens, je vous informe même que je prévois de le publier le 18 juillet prochain, déclaré journée à sa mémoire. En autre, je compte bien suivre une formation en communication pour avoir de connaissances approfondies en la matière. Je pense sous peu écrire aussi un livre pour parler de mon engagement.
Par aillaurs, je suis aussi passionnée par l’art oratoire. En Avril 2019, j’étais 3eme Lauréate du Concours d’Art Oratoire organisé par le Club UNESCO de l’université de Lomé.
Lors de votre 21ème anniversaire, vous avez initié la « Solution Hayathe ». En quoi , cela a consisté ?
Tout a commencé par une idée personnelle. Franchir la vingtaine a été un tournant décisif dans ma vie. Dans l’optique d’apporter une approche plus coordonnée et durable à mon engagement en faveur des filles et jeunes femmes sur les questions de santé de reproduction, j’ai initiée la « Solution Hayathe ».
Cette solution vise à réduire le déficit d’informations en santé reproductive de 21jeunes filles vulnérables de 10 à 18 ans à accéder aux services essentiels de base en santé sexuelle et reproductive dans un premier temps.
L’objectif de l’initiative est de contribuer à l’amélioration des conditions de vie et sanitaires de 21 jeunes filles vulnérables. 21 Jeunes filles parce que j’ai eu 21 ans à la date du 21 Mars 2021 d’où le chiffre 21.
Nous avons lancé une collecte de fond du 21 mars au 21 Avril 2021, ensuite nous avions poursuivi avec la présentation du projet aux partenaires et ainsi profiter pour faire la mobilisation des ressources financières et techniques. Et au final, l’activité a été mise en œuvre les 26 et 27 Août 2021 sous le thème « soutenir et inspirer la jeune femme leader de demain ».
Comme résultats de l’initiative, un partenariat solide avec les différentes associations des jeunes filles telles que Halsa Internationale, ANAT, APAPE, Novis TOGO, ASPROFEM est noué ; 21 jeunes filles sont identifiées sur la base de critères de vulnérabilité par les associations partenaires ; la capacité des 21 jeunes filles est renforcée sur les thématiques de l’éducation sexuelle complète au cours d’un atelier de deux jours, elles sont prises en charge au plan gynécologique par la clinique du Centre d’Excellence de l’ATBEF, les bénéficiaires sont dotées d’un lot de kits de protection hygiéniques réutilisables pour la gestion du cycle mensuel de la maison auréole monde, un bloc note, stylo, sac, bracelet offert par plan international TOGO, des vêtements etc…
Les bénéficiaires de la « Solution Hayathe » sont formées sur L’autonomisation économique, le programme « I’m Remarquable,le leadership féminin ». Trimestriellement les bénéficiaires de la « Solution Hayathe » sont suivies et sont devenues des championnes dans la sensibilisation des pairs, l’appui technique de Plan International Togo, de l’ATBEF entre autres.
C’est l’occasion de réitérer mes sincères remerciements à toute mon équipe, aux différents partenaires et à tout ceux et celles qui ont contribué de près ou de loin à la réussite de cette initiative. Nous comptons lancer la deuxième édition cette année ou en début d’année mais sous un autre format. Je profite lancer un appel à toute bonne volonté qui voudrais nous aider pour l’atteinte de notre objectif
Un conseil aux jeunes filles qui vous lisent
Chaque vie est une bénédiction, chacune de nous à un talent enfouie, faites donc éclore ces potentiels qui se cachent en vous, trouver votre pourquoi et combattez pour les causes qui vous tiennent à cœur. Respectez vos parents, chérissez les, cultiver l’humilité et faites bien ce que vous avez à faire, oser faire la différence. Persévérer en cherchant l’excellence et quoi qu’il advienne sur le chemin de votre vie gardez toujours la tête haute.
Interview réalisée par Hélène DOUBIDJI