Chaque mois d’octobre, le monde se pare de rose pour soutenir la lutte contre le cancer du sein. Mais à l’ère des réseaux sociaux, cette couleur symbole d’espoir et de solidarité semble parfois avoir perdu son sens profond. Entre hashtags opportunistes, blagues sexistes et photos de tenues roses publiées sans engagement réel, la campagne « Octobre rose » est devenue, pour certains, un simple accessoire de communication. Et cela, Nadiya Sabeh, animatrice télé ivoirienne et survivante du cancer du sein, ne le tolère plus.
Quand la sensibilisation vire à la dérision
« Laissez vos maris sucer vos seins, c’est bon pour la santé », « Bon mois d’octobre rose », « Vous avez de gros seins, le cancer va les réduire un peu »… Sur les réseaux, les blagues se multiplient. Certaines se veulent drôles, d’autres tombent dans la vulgarité, mais toutes ont un point commun : elles banalisent une maladie qui coûte la vie à des milliers de femmes chaque année. Face à cette avalanche de moqueries, Nadiya Sabeh s’indigne :
« Je vois sur les réseaux sociaux des hommes déguisés en rose, ridicules, se prétendant solidaires, et d’autres qui profitent d’Octobre rose pour dire “envoyez les seins”. Des hommes qui s’habillent en intelligence artificielle, ils sont perchés dans des personnages ridicules en rose et ils disent bon mois d’octobre rose. Et puis il y a pires, ceux qui profitent d’octobre rose pour dire envoyez les seins, mettez les seins au frais, on n’est là, on va vous sauver, comme si la douleur des femmes est un prétexte pour eux pour assouvir leur fantasme », a-t-elle illustré.
« Le respect, pas le ridicule »
Pour celle qui a connu la douleur de la maladie et la lourdeur du traitement, ce comportement n’a rien d’anodin. « Vous ne cherchez pas à sensibiliser, ni à soutenir. Vous cherchez à vous satisfaire. C’est un manque de respect énorme et pitoyable », tranche-t-elle.
Pour Nadiya Sabeh, le vrai soutien ne se trouve pas dans le rose affiché, mais dans les gestes concrets. « Si tu veux vraiment aider, parle à ta sœur, ta mère, ton amie. Dis-lui d’aller se faire dépister. La sensibilisation, ce n’est pas une photo en rose, c’est un acte de respect et d’humanité. », propose-t-elle
Une lutte mondiale, des inégalités persistantes
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 670 000 femmes sont mortes du cancer du sein en 2022. Une femme sur douze risque d’en être atteinte au cours de sa vie. Dans les pays à faible indice de développement humain, la mortalité est encore plus élevée, faute de dépistage précoce et de soins accessibles. Au Togo, on recensait en 2020 plus de 5 200 cas diagnostiqués et près de 3 500 décès liés à cette maladie. Des chiffres qui rappellent l’urgence d’une mobilisation réelle, loin des clichés et des dérives numériques.
Octobre rose : une couleur, une histoire, un sens
Née aux États-Unis au début des années 1990 à l’initiative d’Evelyn Lauder, la campagne « Breast Cancer Research » avait un objectif simple : soutenir la recherche et encourager le dépistage précoce. Le ruban rose, devenu symbole mondial, incarne la solidarité, la prévention et la résilience des femmes face à la maladie. Mais ce ruban n’est pas un accessoire : c’est le rappel d’une bataille toujours en cours.
Octobre rose, ce n’est pas un déguisement. Ce n’est pas une tendance Instagram. C’est un appel à la conscience, rappelle Nadiya Sabeh, cicatrice visible, fière survivante et voix forte pour toutes celles qui luttent encore.
Atha ASSAN






