Journaliste, communicante, coach motivation et entrepreneure sociale, Rita Gbodui a un parcours très riche. Elle fait ses premières armes à la Télévision Nationale Togolaise (TVT) dans les années 1996 comme journaliste reporter, avant de partir au Bénin où elle a bossé pour plusieurs structures.
Quand elle est rentrée au pays, elle a travaillé en tant que directrice, administratrice d’ONGs, chargée de communication dans des institutions dont la toute dernière est l’UNFPA-Togo.
Aujourd’hui, Rita Gbodui dirige une agence de communication, mais elle est aussi très engagée dans l’humanitaire et le social, travaillant surtout sur les problématiques de femmes et jeunes filles, sans faire du bruit autour. Lire plutôt.
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Je me nomme Afi Dovi GBODUI et mon prénom le plus usuel est Rita. Donc beaucoup me connaissent plus sur le nom Rita GBODUI mais je préfère Dovi (la fille qui est née après les jumeaux) car c’est le prénom que mon papa avait l’habitude d’utiliser. Je suis le 20ème enfant d’une fratrie de vingt enfants et la benjamine. Je suis journaliste et communicatrice audiovisuelle de formation et j’ai trois merveilleux garçons que j’adore et qui me le rendent bien.
Vous avez exercé en tant que journaliste pendant plusieurs années, parlez-nous de votre parcours de professionnel de média ?
(Rire), oui, j’ai fait mes premières armes à la Télévision Nationale Togolaise (TVT) dans les années 1996, comme journaliste reporter et me suis très vite intéressée à la thématique de l’environnement que je gérais à l’époque avec feu Cléo Pétchézi, un grand professionnel dont je salue ici la mémoire, car nous avons fait de merveilleuses expériences professionnelles ensemble.
Après deux ans à la TVT, j’ai dû quitter mon pays pour me rendre au Bénin où j’ai eu la chance d’être recrutée dans une structure internationale de radio production et de diffusion. Il s’agit du Bureau Afrique de Radio Nederland (BARN), installé à Cotonou et dirigé par un grand homme de media, mondialement connu pour sa rigueur et son professionnalisme, M. SOULE Issiaka. Là-bas, j’ai beaucoup appris car j’ai eu à côtoyer des ainés qui avaient plus de vingt ans d’expérience. Là j’ai appris la production radiophonique au sens pratique du terme car j’étais appelée à produire des émissions et magazines radiophoniques qui étaient distribués gratuitement à des radios partenaires de notre Bureau de par l’Afrique. Cette étape de ma vie professionnelle m’a permis de beaucoup voyager et de faire la majeure partie du continent africain et d’autres continents également pour la réalisation de mes émissions. J’ai fait cinq () années au BARN, avant de décider de travailler en tant que journaliste – freelance.
Après cette expérience très riche, l’occasion m’a été donnée de diriger une radio communautaire à Abomey Calavi, toujours au Bénin en tant que directrice générale adjointe, une fonction que je cumulais avec mes postes de rédactrice en chef et de chef de programme car la radio n’avait pas ces compétences alors que nous avions à l’époque de jeunes étudiants talentueux qui ne voulaient qu’apprendre. Le travail dans cette radio m’a donnée l’opportunité de prendre part à un concours continental organisé pour les journalistes, concours que j’ai gagné avec un malien et tous deux, sommes allés représentés l’Afrique au Canada et en France et où nous avions bénéficié de stage de perfectionnement à Radio Canada International, à RFI et dans trois radios communautaires en France.
C’est ce stage qui m’a donné l’occasion d’être identifié par Radio Canada International pour être sa correspondante au Togo et au Bénin dans le cadre de la production d’un magazine culturel qui parlait de la vie des canadiens dans ces deux pays.
Après cette expérience, j’ai été recrutée à CANAL 3 Bénin de 2004 à 2005 en tant que directrice de production et responsable des programmes. Etant la seule journaliste professionnelle à l’époque, j’ai été appelée à occuper le poste de rédactrice en chef et ai eu à former plusieurs journalistes et animateurs de cette chaîne qui est cryptée et a une renommée internationale aujourd’hui.
Après mes deux ans et demi dans cette chaîne de télévision privée, j’ai décidé de rentrer au pays. Mon retour au pays m’a permis de travailler tour à tour en tant que Directrices, administratrices d’ONGs, en tant que chargée de communication sur un projet du PNUD avec le Ministère des Droits de l’Homme (2008 – 2009), en tant que chargée de communication et de mobilisation des ressources à INADES Formation Togo (2009 – 2012) et dernièrement avec le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) après dix ans d’expérience dans cette boîte. Au total plus de vingt années d’exaltantes expériences, les plus diversifées les unes que les autres à ce jour. Je rends grâce à mon Créateur pour cela.
Au-delà de ce parcours professionnel, j’ai eu à faire des expériences managériales d’organisations et de réseaux au niveau panafricain et d’acquérir des compétences additionnelles. Au total plus de vingt années d’exaltantes expériences, les plus diversifiées les unes que les autres et pour lesquelles, je rends grâce au Créateur.
Avez-vous fait une école de journalisme ? Pourquoi avoir opté pour ce métier ?
Notre promotion a été la première du Togo à être envoyée au Sénégal pour une formation professionnelle en journalisme. Avant, le pays envoyait ses étudiants au Cameroun. J’ai donc fait le CESTI à l’Université Cheick Anta Diop avec sept autres togolais dans deux niveaux différents, c’est-à-dire, nous avec le niveau BAC II et eux avec le niveau Licence. C’était une merveilleuse expérience mais empreint de difficultés comme toute entreprise dans la vie.
A dire vrai, je n’ai pas choisi ce métier, c’est lui qui m’a choisi grâce à des camarades de la classe de Terminale au Lycée de Nyékonakpoè. Il faut dire que déjà au collège, j’aimais animer des activités durant les semaines culturelles et j’en suis arrivée à me démarquer de mes autres camarades. J’aimais bien tenir le micro et faire mon show sans savoir que je pourrais véritablement en faire un métier un jour (rire). Arrivée au Lycée, j’ai été souvent amenée, en tant que Major Général Adjointe, à prendre la parole devant mes camarades, à coordonner des activités et surtout à animer des conférences et des soirées lors de différentes manifestations. Mes camarades avaient vu en moi, quelque chose que je ne voyais pas moi-même et bon nombre d’entre eux me disaient, « tu ferais un bon journaliste ». Et puis, je dois ajouter que je bavardais beaucoup en classe à tel point que j’ai été surnommée « pie bavarde », donc les professeurs à leur tour n’arrêtaient pas de me répéter « tais-toi mademoiselle la journaliste, tu parles trop ».
Finalement, sans le vouloir ceci m’a rattrapée et ce sont des anciens camarades du Lycée, qui, ayant appris que le concours d’entrée à l’école de journalisme a été lancé, m’ont appelée pour m’informer et de demander d’y prendre part. Je dois préciser que ce n’était pas mon premier choix et quand bien même j’avais un grand frère qui était un grand professionnel que tout le monde appréciait, je ne voulais pas lui emboiter les pas car je voulais être magistrate et c’était d’ailleurs pour cela qu’à l’Université du Bénin d’alors, j’avais choisi le Droit. Finalement j’ai passé le concours de journalisme et ai été reçue.
Quand on parle des journalistes de renom au Togo, votre nom revient. Quel est votre secret ?
(Rire) Ca c’est vous qui me l’apprenez et je rends grâce à Dieu pour cela. Secret ? je ne le pense pas, il n’y a d’autre secret que l’amour que l’on a pour ce que l’on fait et la passion avec laquelle on le réalise. Au-delà de tout, il y a le travail et le travail bien. La quête de l’excellence et la hantise permanente de pouvoir mieux faire et d’être parmi les meilleures. Ceci a toujours été ma hantise à savoir que je n’avais pas le droit d’échouer ou de présenter une piètre image de la femme journaliste ou de la professionnelle des media. Nous, nous n’avions pas eu beaucoup de modèles alors, il nous fallait donner à nos petites sœurs, l’amour pour ce métier noble et passionnant.
Très engagée dans le social et l’humanitaire, parlez-nous des différentes causes que vous défendez et de vos initiatives ?
Je travaille sur les problématiques liées à la femme surtout à la jeune fille, qui pour moi est la femme en devenir. Depuis 2014, j’ai contribué à la création d’une association dénommée Synergie des Jeunes pour une sexualité et une citoyenneté responsable (SYNER’J). Cette association dont j’étais une des conseillères compte tenu de mes précédentes responsabilités et restrictions professionnelles, développe plusieurs initiatives à l’endroit de la jeune fille et des femmes, surtout celles des milieux ruraux. Nous travaillons essentiellement en milieu rural car pour moi, c’est là que les besoins se font le plus sentir. Nous œuvrons dans la promotion du droit et de la dignité des femmes, les questions de violences basées sur le genre. Nous travaillons à promouvoir l’autonomie financière des femmes et des jeunes filles de même que leur leadership professionnel.
Nous avons trois (3) principales initiatives :
- Le QC4D (Queens Cercle for Development) qui est une initiative de promotion des jeunes filles. Il s’agit d’une plateforme whatsapp à travers laquelle, je fais le coaching des jeunes filles disséminées sur toute l’étendue du territoire, de Lomé à Cinkassé. Je les aide par mon expérience et mon parcours à renforcer leurs capacités en leadership et surtout à exercer ce leadership au niveau communautaire. Elles sont des étudiantes, professionnelles ou en quête d’emploi qui bénéficient des sessions de renforcement de capacités en fonction des besoins qu’elles expriment en début d’année et sur la base desquels, nous établissons un programme de formation. Ce sont des coaching collectifs que je fais.
J’accompagne également ces filles à titre individuel en leur apportant non seulement mes conseils mais en les appuyant techniquement sur l’élaboration d’un projet par exemple, la recherche de partenaires ou de financement, la recherche d’appui technique quelconque. Je mets mon carnet d’adresses à leur disposition et leur facilite les contacts, je fais un suivi de ce qu’elles initient en m’impliquant quand elles sollicitent mon appui, mes conseils ou mon expertise pour élaborer un document ou organiser une activité. Je me déplace vers elles quand c’est nécessaire. En un mot, je suis là pour elle, je suis cette oreille qui manque quand les parents ne sont pas très disponibles. Je suis la « maman », la « marraine » leur confidente, celle qui les écoute et qui partage parfois mêmes leurs problèmes les plus intimes.
Je les emmène également sur le terrain, les sites d’implémentation des actions afin qu’elles fassent la pratique de tout ce qu’elles apprennent de moi, c’est ce que j’appelle exercer son leadership et cela, elles le font souvent en milieu communautaire à travers des activités que nous mettons en œuvre dans les villages. Ainsi, chaque fois que de besoin et dans la mesure de leur disponibilité, elles m’accompagnent pour voir comment on organise telle ou telle activité, le processus, les dispositions à prendre et finalement, elles se débrouillent sans moi et parfois même, ce sont elles qui me font les meilleures propositions et que nous exécutons. Lorsqu’il m’arrive d’aller rencontrer une personnalité, je les emmène avec moi pour leur montrer comment se tenir, ce qu’il faut faire, ce qu’il ne faut pas faire, en fait, ce que les anglophones appellent le « learning by doing », l’apprentissage par la pratique.
. Je suis comblée par les résultats car j’ai une trentaine de jeunes filles de valeur et des centaines qui ont bénéficié de mes appuis et certaines qui sont à leur propre compte. Récemment, il y a une d’entre elles que j’accompagne et qui à 19 ans, a ouvert son restaurant. Une autre, à 20 est en passe de devenir une grande productrice de gingembre et bien d’autres encore. Je suis comblée car pour moi, la relève est assurée et le pays peut compter sur ses filles pour son développement
- La deuxième initiative est dénommée « FAIS TA PART », c’est une plateforme whatsapp que j’ai mis en place et qui est composée de mes amis personnels et professionnels, des gens dont je connais la générosité et le sens du partage. Sur cette plateforme, créée en juin 2019, nous faisons de la mobilisation de ressources financières c’est-à-dire, nous collectons de petites ressources que chaque membre donne et nous organisons des campagnes périodiques. Nous sommes une centaine sur cette plateforme, mais environ une trentaine contribuent régulièrement et nous nous en félicitons quand on sait combien c’est difficile à chacun de joindre les deux bouts et de dégager un minimum pour les autres. Notre principale action est la campagne « Une élève, un kit scolaire». Cette campagne consiste à offrir des kits scolaires consistants à des jeunes filles méritantes mais démunies, des villages de nos zones d’intervention. Nous couvrons du primaire jusqu’au lycée et nous offrons ces kits aux cinq premières élèves des cours primaires, secondaires des collègues et lycées. C’est notre manière à nous de contribuer au maintien des filles à l’école et à la culture de l’excellence. Ces fonds collectés proviennent de la générosité de ces amis qui peuvent décider de sponsoriser à partir de 1 kit à 2000f (kit classic) ou à 5000f (kit privilège). Je dois préciser que ces contributions des membres de cette communauté, nous ont permis d’offrir 315 kits scolaires en 2019, 212 en 2020, 272 en 2021. A cette rentrée scolaire 2022, nous comptons en faire plus si Dieu nous en donne la provision et je reste persuadée qu’IL le fera.
Nous recevons parfois des appuis des personnes qui voient la pertinence de nos initiatives et qui nous écrivent soit, par facebook ou via whatsapp pour appuyer ponctuellement nos actions. Elles ne sont pas nombreuses, mais je voudrais profiter pour remercier les membres de cette communauté FAIS TA PART pour leur confiance en ma personne car, notre devise est de « FAIRE DU BIEN A AUTRUI SANS FAIRE DU BRUIT », une manière pour nous de faire ressurgir cette solidarité qui caractérise notre Afrique mais qui tend à disparaître car le constat est établi que nous sommes de plus en plus indifférents à la misère ou au malheur d’autrui.
- Je consacre également mon temps à appuyer les femmes des milieux ruraux à travers des formations ponctuelles que j’organise à leur intention en prenant mes week end pour les accompagner par mes conseils.
Le plaisir et la joie que je tire de toute ces actions est immense et indicible.
Vous êtes celle qu’on peut appeler une « impacteuse de l’ombre ». Pourquoi ce choix de faire autant d’actions loin du bruit ?
(Rire) Ce que je fais n’est qu’une goutte d’eau dans la mer mais je pense sincèrement qu’on n’a pas besoin de faire du bruit autour de ses actions car votre succès se chargera de le faire à votre place. C’est surtout dans cette logique que je fais mes actions. Et puis, je dois reconnaître que ceci vient aussi de l’éducation que j’ai reçu de mes deux parents. Ce sont des personnes qui étaient capables de remettre tout ce qu’elles avaient pour aider les autres sans s’en soucier. Etre utile aux autres a toujours été mon souhait. Je suis consciente qu’on ne peut pas tout monnayer. La satisfaction que je trouve sur le terrain, dans mes déplacements sur le terrain, me comble énormément. Je ne fais que ce que mes moyens me permettent et avec l’appui des uns et des autres, nos petites gouttes d’eau remplissent des verres, puis des bassines et font effets.
Quel est votre motivation du matin ?
C’est cette rage que j’ai de réussir et d’être un modèle de motivation pour les autres, surtout pour les jeunes filles. Chaque matin, je me réveille avec la ferme résolution d’être utile ou de tendre la main à quelqu’un et je fais tout pour y arriver.
Un mot à l’endroit des femmes en particulier les jeunes filles qui vous lisent !
Pour moi, il n’y a pas de hasard dans la vie. La vie est une conjonction de coïncidences heureuses ou malheureuses. Sachons saisir les opportunités et les transformer en notre faveur car, la vie est ce qu’elle est et elle ne nous fera pas de cadeau, affrontons- la avec sérénité et détermination en ayant des objectifs clairs et une projection sur le long terme. Dans tout cela, je veux insister sur le choix que nous faisons et qui nous suit toute notre vie, alors sachons faire des choix judicieux et bien étudiés. Femme, que votre nature de femme ne soit pas un obstacle pour vous mais une source de motivation et de prospérité.
Interview réalisée par Hélène DOUBIDJI