Responsable production de CHOCOTOGO, la première structure de transformation du cacao en chocolat au Togo dont elle est co-fondatrice, Nathalie Kpanté nourrit de grandes ambitions pour le secteur agro-alimentaire. Plusieurs fois primée, c’est une femme de référence dans le monde Entrepreneurial au Togo qui partage ses passions avec EkinaMag .
Qui est Nathalie Kpanté ?
Nathalie Kpanté est une jeune dame togolaise, âgée de 35 ans. Elle est entrepreneure agricole, co-fondatrice et responsable production de Choco Togo. Elle est aussi une agricultrice passionnée du monde des affaires et de l’agro-business en particulier.
Présentez-nous CHOCOTOGO ?
CHOCOTOGO est une coopérative et c’est la première structure au Togo à transformer le Cacao en chocolat et autres produits dérivés. Nous avons lancé nos premiers produits sur le marché en 2014 et nous avons continué par transformer rien que le Cacao du Togo avec d’autres produits qu’on retrouve sur le plan local comme l’arachide, les noix de coco, le gingembre, le riz … Nous essayons de les mélanger pour donner une valeur ajoutée au cacao togolais. Donc, nos produits sont 100% naturels et sans additif chimique, ni de conservateur. Nous avons aussi les pâtes à tartiner pour le petit déjeuner.
Nous sommes également dans le domaine de service traiteur, c’est-à-dire pour les pauses café, nous avons mis sur place le concept « pause choco » parce que tout ce que nous mettons dedans, ce sont des produits locaux. Il y a nos chocolats chauds, les friands vraiment faits localement, les boissons qu’on trouve sur le plan local, les jus naturels produits ici au Togo et les thés comme les thés quinqueliba. Nous essayons de prendre tous ces produits qu’on retrouve sur le plan local pour composer notre pause choco.
Nous disposons de deux unités de production. La première qui se trouve à Kpalimé. Là-bas, nous employons rien que les femmes parce que nous sommes aussi dans ce concept de l’autonomisation de la femme. Donc les femmes sont employées lors des campagnes de décorticage pour faire les tris de calibrage et le décorticage de nos fermes de cacao. Ce qui donne une valeur ajoutée à notre produit parce que c’est bien trié et calibré. Le produit passe et repasse par des contrôles assez adéquats pour donner le meilleur produit final à la population togolaise et aussi donner un produit assez efficace sur le plan sanitaire à la communauté togolaise et internationale.
La seconde unité se trouve à Lomé où nous avons une trentaine de jeunes, tout sexe confondu qui travaillent chaque jour pour la production des chocolats et produits dérivés. Nous sommes également dans la pâtisserie. Nous utilisons nos produits, nos chocolats pour transformer ou faire des cakes chocolatés et des gâteaux.
Grace à l’initiative CHOCOTOGO, vous avez remporté plusieurs prix. Citez-nous ces distinctions. Qu’est-ce que ces différents prix représentent pour vous ?
Avec CHOCOTOGO, nous avons eu à remporter plusieurs prix. La liste est un peu longue. D’abord en 2015, nous avons reçu le prix du jeune entrepreneur agricole en Italie. La même année, le prix du jeune entrepreneur de l’année au Togo et également le deuxième prix de l’innovation au Togo. En 2016, nous avons remporté le 2e prix de l’agriculture et de l’agri business de la Francophonie 3535. En 2017, nous avons eu le prix du jeune le plus influent au Togo. La même année, nous avons eu le prix dénommé Award of Women and Agri business in Africa et également Africa Youth award catégorie agriculture.
En 2018, j’ai été classée parmi les jeunes qui écrivent l’avenir selon le magazine Forbes. En 2020, iI y a eu d’autres nominations et le dernier prix en date, c’est l’année dernière en 2022 où j’ai été finaliste dans trois catégories dans le cadre des Awards for Women et j’ai remporté la catégorie « Persévérance » dans Women and Agri business Award.
Ces prix sont des encouragements. A un moment donné, on peut se décourager, on peut recevoir des coups dans la vie, mais ces prix viennent donner un ouf.
Revenons un peu sur votre dernier sacre. Parlez-nous de ce prix reçu récemment à Accra et dites-nous quels sont vos sentiments ?
En ce qui concerne le dernier sacre, j’ai été finaliste en trois catégories et j’ai remporté la catégorie de persévérance. Ce prix était venu vraiment à point nommé parce que c’est toute une autre histoire qu’on écrivait sur moi et avant même que je ne revienne au pays, beaucoup m’ont écrit pour me dire que je méritais ce prix et que j’étais l’image de la persévérance. La petite histoire derrière le concours, c’est qu’il n’y a pas eu de voting. C’était un jury international qui était là et qui a travaillé et a fait des recherches sur les nominés jusqu’à déterminer les finalistes qui doivent remporter les prix. Ce sont des gens que je ne connais pas et cela me montre que quelque part nous sommes en train d’écrire l’histoire. Même dans ton petit coin, quand tu travailles dur, tu es en train de laisser des traces . C’était vraiment une grande joie pour moi de revenir au pays avec ce prix .
Parlez-nous de votre expérience dans les différents secteurs de la transformation agroalimentaire ?
Disons que j’ai commencé très tôt mes expériences en matière de business. Déjà au collège pendant les vacances, Papa, un pédagogue, nous ramenait beaucoup de livres. Vous devez choisir les livres et faire les résumés de ces livres et au même moment, maman vous demande qu’est-ce vous voulez faire pendant ces vacances. Pour elle, il faudrait qu’on commence le business, il faudrait qu’on commence par gagner l’argent. Donc nous devons décider chaque vacance de ce que nous voulons vendre. Il y a arachide, l’eau, le jus, les fruits. Donc nous devions décider de ce qu’on va faire. Déjà, moi, cela m’a ouvert les yeux de business.
Arrivée au campus, j’ai commencé à transformer déjà l’arachide en des friandises que nous appelons communément « Luga », arachide et caramel. Donc je faisais cela au campus et je me suis définie à l’étape là comme une business woman, une grossiste. Je ne voulais même pas être un détaillant, je produisais pendant le week-end et mes parents comme ils étaient à la retraite déjà, ils vendaient aussi dehors à la maison et ils me faisaient les comptes. Au campus, je remettais aussi un stock à des étudiants et ils sont chargés de vendre et à la fin de la journée, on fait les comptes et ils prennent leur parti et moi je prends le reste de l’argent pour rentrer. Par la suite , je suis passée au pressing. J’ai eu mon entreprise de pressing aussi qui n’est pas forcément dans la transformation mais c’est une expérience que j’ai eu de plus avant d’embrasser la chocolaterie. Et actuellement, à part la transformation, je suis retournée à la terre proprement dite. En parlant de l’agriculture, j’ai actuellement 5 ha de manioc bientôt prêt pour la récolte et 5 autres hectares que nous sommes en train de préparer pour les céréales de la nouvelle saison agricole qui commence. Ma grande passion, c’est l’agro-business que ce soit de l’agriculture jusqu’à la table.
Femme entrepreneure dans le secteur agro-alimentaire. Quelles sont les difficultés spéciphiques rencontrées ?
Sincèrement, en tant que femme, je n’ai pas eu une grande difficulté à m’impliquer dans le monde du business parce que dans ma famille, nous sommes en majorité des femmes et il y a peu de garçons. Donc mes parents ne nous pas éduqué en nous disant que tu es femme, tu es homme. Déjà, dans l’enfance, les filles lavaient aussi la moto « Vespa » de papa et quand c’est passé à la voiture, les filles lavaient la voiture. Quand, la voiture est en panne le matin, tout le monde sort pour pousser la voiture, que tu sois femme ou homme. Donc, nous avons reçu une certaine éducation et je remercie mes parents pour l’éducation qu’ils m’ont donnée. Ils ne se mettaient pas en tête que nous sommes des femmes et que nous sommes limitées par quoi que ce soit par notre physique ou notre mental. La seule difficulté que j’ai personnellement rencontrée en tant que femme c’est lié à la grossesse. J’ai connu une grossesse assez paisible et une autre assez compliquée. J’ai dû accoucher par césarienne. J’étais obligé de commencer très tôt le travail parce que l’entrepreneuriat, c’est un peu ça aussi, gérer les enfants, gérer le boulot et gérer ceux qui sont sous ton mentorat. C’est assez complexe des fois à juguler le tout ensemble mais quand on est préparé on s’en sort forcément.
Parlez-nous de la coopérative FOODIES228 dont vous occupez actuellement le poste de secrétaire général ?
La coopérative FOODIES228 est une coopérative composée de femmes togolaises évoluant dans le secteur Agroalimentaire et Food cosmétique. Donc nous avons vu que par rapport aux transformations sur le plan local, il faudrait être plus proche de la population, être plus proche de la clientèle pour leur expliquer le bien-fondé de ce que nous leur offrons. Nous avons décidé de nous mettre ensemble pour conquérir le marché national et le marché international, présenter nos produits aux clients, être beaucoup plus proche sur le terrain. Dans cette optique nous avons créé une boutique FOODIES228 qui est situé dans le grand marché moderne de Cacaveli. Nous avons cette boutique à ce niveau où les produits de toutes ces dames sont représentés. Nous organisons souvent des dégustations et d’autres activités pour présenter nos produits à la population. Donc j’occupe actuellement le poste de secrétaire générale.
Vice-présidente d’AWEP Togo (African Women Entrepreneurship Program) de 2021 à 2022, qu’avez-vous apporté à cette structure ?
J’ai été également le vice-président d’AWEP-TOGO (African Women Entrepreneurship Program) et durant mon mandat j’ai pu apporter mon expertise en matière d’organisation, en matière de mobilisation des ressources. A notre époque, il y avait des projets auxquels nous avons postulé et remporté et il fallait exécuter ces projets. Donc j’étais beaucoup plus calée en matière de rassemblement des ressources. Il faudrait mobiliser les dames autour des activités, organiser des formations, des réunions, des rencontres. Donc, c’est ce que j’ai eu à apporter à l’association durant mon mandat.
Vous étiez bénéficiaire du programme Young African Leadership Initiative/YALI cohorte 2016. Qu’est-ce que vous avez gagné de cette expérience ?
En 2016, j’ai eu à participer respectivement au Mandela Washington, FELOSHIP. C’était une très belle expérience où nous avons eu à étudier dans les meilleures Universités des Etats Unis. En marge de cela, j’ai gagné aussi une autre bourse pour faire 6 semaines de stage dans une entreprise Américaine. Donc, j’avais fait mon stage dans la première chocolaterie aux Etats Unis certifiée Bio équitable (T.O Chocolate). Donc j’ai eu à apprendre beaucoup de choses en matière d’entrepreneuriat, en matière de management. Durant ce stage, j’ai pu acquérir beaucoup des compétences en matière de chocolaterie.
Avez-vous d’autres passions ?
Mes grandes passions, c’est l’agrobusiness et naturellement l’agriculture. A part la chocolaterie, je suis agricultrice aussi et je suis fière de l’être. Je suis dans les cultures de manioc et des céréales et je fais aussi des formations. J’aime très bien partager mes expériences, partager mes connaissances avec les autres, avec les jeunes, les femmes, les jeunes filles. J’aime transmettre ce que je connais. Ce sont mes passions.
Un conseil aux jeunes filles qui vous lisent
Mon conseil aux jeunes filles qui me lisent actuellement est : de travailler sur elles-mêmes, de connaitre leur identité, de savoir qui elles sont. Personne n’est venu pour accompagner son prochain, sur cette terre. Nous sommes capables de nous réaliser. Nous ne sommes pas venus accompagner des gens avant de pouvoir être accomplis. Nous pouvons être nous-mêmes des êtres accomplis en tant que jeune fille, en tant que jeune femme. Donc, il faudrait que chacune travaille sur elle-même, travaille sur son identité et ensuite faire un plan pour son avenir. Grace à ce plan, toutes les visions peuvent s’accomplir. Donc je conseille à toutes les filles de connaitre leur identité et de planifier leur vie afin d’atteindre leur objectif.