C’est un secret de polichinelle, le milieu scolaire est un monde de harcèlement sexuel par excellence. Il est omniprésent sous toutes ses formes : le harcèlement provenant des enseignants et autres personnes ayant autorité sur l’élève mais également le harcèlement entre camarades. Tour d’horizon de ce phénomène dont les jeunes filles sont souvent victimes.
Ceux qui s’y adonnent ont même une expression pour désigner cela : madzi agbetsi (se faire plaisir). Une tape sur les fesses, une main qui traîne trop sur les seins ou encore s’invite dans les jupes, ce n’est pas rare d’observer ces gestes sur les cours de récréation et même dans les salles de classe. Il s’agit d’un ensemble de comportements trop souvent « banalisés » et « excusés » » sous la couverture de blagues ou de taquinements.
Ces actes sont souvent une véritable source de gêne et de frustration pour celles qui les subissent. « C’est tout un phénomène que beaucoup de nos camarades trouvent normal mais ça va souvent trop loin », s’indigne Essenam une élève en classe de seconde dans un lycée à Adidogomé, qui poursuit : « aux heures creuses et pire pendant le cours parfois, certains garçons n’hésitent pas à te toucher des seins ou des fesses. Des fois quand tu veux réagir, ce sont tes camarades filles qui pensent que tu exagères ».
Pour Amélé, une autre élève, le phénomène est devenu monnaie courante à telle enseigne que tout le monde a tendance à le banaliser. « Pire quand tu te plains à la direction, parfois on t’accuse d’avoir provoqué le garçon. Vous imaginez ? Un garçon ose te toucher les seins ou les fesses, au lieu de le punir, on ricane juste ou on s’en prend à toi. Prochainement, tu n’auras plus le courage d’aller » s’indigne l’élève de Terminale.
Ceux qui s’ adonnent à ces comportements de mauvais goût ont même une expression pour désigner leur basse besogne. « Nous appelons cela, madzi agbetsi (expression en langue locale parlée au Sud du Togo ) qui veut dire se faire plaisir. Mes amis et moi, on adore le faire et après on se raconte nos exploits. Au fait, il y a bien des filles qui aiment ça et te provoquent d’ailleurs en essayant premièrement de te toucher les parties intimes. Il faut reconnaitre qu’il y a d’autres filles qui n’aiment pas mais on force » avoue Michel, élève en classe de Première.
Selon Emmanuel KPOGO, un enseignant dans un lycée de la place, certes, ce phénomène n’est pas nouveau mais ce qui se passe actuellement surtout avec l’avènement des réseaux sociaux, est scandaleux. L’enseignant confirme que ce sont les filles qui sont généralement victimes mais parfois, il y a des jeunes garçons aussi qui subissent cela de la part de leurs camarades filles.
Parlant des dispositions prises par les écoles lorsqu’une victime se plaint, ce dernier affirme : « avant, ce sont des comportements qui sont sévèrement sanctionnés quand ils viennent à être dénoncés, l’auteur est puni au mât devant ses camarades pour dissuader d’autres. Mais ce n’est plus possible de nos jours, l’utilisation du bâton étant proscrit. Il reste juste la verbalisation et au besoin la convocation des parents et les avertissements. Je pense que c’est un phénomène sur lequel, il faut attirer l’attention, cela prend des proportions inquiétantes ».
Le harcèlement en milieu scolaire est puni par la loi
Au Togo, en milieu scolaire comme en apprentissage, les actes de violence à caractère sexuel sont sévèrement réprimés, conformément aux dispositions légales en vigueur. L’assemblée nationale a en effet adopté le 29 novembre 2022, le projet de loi relatif à la protection des apprenants contre les violences à caractère sexuel au Togo.
Le texte, adopté à l’unanimité par les députés, incrimine des actes comme l’atteinte à l’intimité, l’attouchement et le harcèlement sexuel, la pédophilie et le viol dans les institutions éducatives, centres d’apprentissage et de formation professionnelle. Son objectif est de garantir un environnement sûr et propice à l’épanouissement des apprenants.
Selon le nouveau cadre juridique, tout auteur d’acte à caractère sexuel sur un apprenant tombe sous le coup de la loi. Pour une grossesse, l’auteur encourt une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende allant de 1 à 5 millions FCFA si l’apprenant a 16 ans. Le double de la peine lui sera infligé si la victime a moins de 16 ans”.
Également, la nouvelle mouture, qui vient renforcer l’arsenal existant, garantit un accompagnement pour les victimes d’actes de violence à caractère sexuel. Dans ce sens, il est prévu la création d’un observatoire national pour le suivi-évaluation des violences sexuelles.
Il faut des contenus pédagogiques ciblés
L’école étant un vecteur de valeurs, elle reste le lieu idéal où l’enfant est censé apprendre les bonnes manières et les bons comportements. Malheureusement, il est à noter que ces notions fondamentales de bienséance sont à peine abordées dans les matières concernées sinon font carrément partie des abonnés absents. La responsabilité incombe aux autorités de l’éducation et encadreurs qui non seulement doivent faire une surveillance plus accrue mais également proposer des contenus pédagogiques ciblés.
Il urge également que des mesures coercitives soient prises pour ramener la sérénité dans les établissements scolaires et que les écoles fassent respecter la loi en vigueur.
D’autres parts, il devrait être rappelé aux élèves que la femme n’est pas un objet sexuel et qu’il est important que des limites soient posées dans les jeux et amusements.
L’alarme doit être sonnée quand on sait que beaucoup de filles particulièrement en viennent à se résigner par peur d’être rejetées par les autres ou d’être stigmatisées.
Les parents ont également un grand rôle à jouer dans l’éducation des enfants et enfin les élèves eux-mêmes doivent prendre conscience de ce qui est utile et bien pour leur formation et l’édification des personnes qu’ils voudraient devenir plus tard.
Taper sur les fesses ou peloter le postérieur d’un(e) camarade n’est pas de l’amusement. Etreindre l’autre en classe ou sur la cour n’est pas innocent.
Seyram kossivi