« Le gouvernement a inscrit la promotion et la valorisation de la femme, comme une priorité nationale incontestable »
La Banque mondiale a publié en mars dernier son rapport “Women Business and Law 2024” (Les femmes, l’entreprise et le droit 2024) qui indique que le Togo occupe la 1ère place en Afrique en matière de réformes significatives en faveur des droits de la femme. Une reconnaissance des efforts du Togo pour améliorer les conditions de travail et de vie de la femme. Dans cette interview exclusive accordée à EkinaMag, la Ministre, Secrétaire Générale de la Présidence de la République togolaise, Sandra Ablamba Johnson revient sur ce rapport et les facteurs qui ont contribué à cette performance du Togo, tout en expliquant la politique générale du gouvernement en ce qui concerne la promotion des droits de la femme et de l’égalité genre. La ministre a en outre évoqué la situation de la femme togolaise aujourd’hui. Lisez plutôt !
Pourriez-vous nous parler brièvement de la politique générale du gouvernement et des initiatives ayant abouti aux résultats de la Banque mondiale dans le cadre de son rapport “Women Business and Law 2024”?
Je vous remercie pour votre intérêt à la politique togolaise en matière de promotion des droits de la femme et de l’égalité genre.
En effet, ce rapport révèle que notre pays occupe la 1ère place en Afrique sur 53 pays et la 19ème au niveau mondial sur 190 pays avec un score global de 97,5 sur 100, dépassant largement la moyenne d’Afrique, soit 74 sur 100.
Sous le leadership de Son Excellence Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé, Président de la République Togolaise, le gouvernement a inscrit la promotion et la valorisation de la femme, comme une priorité nationale incontestable avec d’importantes initiatives et réformes.
Cette belle performance reflète les avancées significatives du pays en matière d’égalité des sexes dans plusieurs domaines clés et confirme une fois encore le statut de réformateur du Togo.
C’est également le fruit d’une série de mesures et de réformes juridiques ainsi que la mise en œuvre efficace des politiques de soutien aux populations vulnérables en général et aux femmes en particulier.
Le premier facteur d’accélération de l’adoption des réformes juridiques est la volonté politique au plus haut niveau, celle du Président de la République, qui a fait de l’égalité du genre, une de ses priorités.
Il vous en souvient que déjà en décembre 2012, lors de son discours devant le Corps diplomatique, le Président de la République a déclaré l’instauration de la parité homme-femme dans la présentation des candidatures à des postes électifs. Aussi faut-il le préciser que le code électoral togolais, dans sa nouvelle version, consacre une fois encore la parité homme-femme sur les listes électorales et réduit de moitié le montant de la caution aux élections pour les candidats de sexe féminin. A titre d’exemple concret, la précédente mandature de l’Assemblée nationale togolaise était présidée par une femme faisant ainsi du Togo le premier et seul pays à avoir eu une femme à la tête de l’Assemblée nationale en Afrique de l’Ouest. C’est également le cas de plusieurs postes de responsabilité à savoir le poste de Chef du gouvernement, du Secrétaire Général de la Présidence de la République… qui sont occupés par des femmes, bref aujourd’hui, un peu plus d’un tiers des membres du gouvernement sont des femmes.
Un autre facteur matérialisant cette volonté politique est le renforcement du cadre juridique avec l’adoption de plusieurs lois, décrets et arrêtés. Nous pouvons citer, entre autres, la modification de la loi portant Code des personnes et de la famille qui reconnait la femme comme chef de ménage, la possibilité offerte aux femmes de disposer des comptes bancaires, la loi portant Code foncier et domanial qui garantit l’accès à la propriété foncière aux femmes au même titre que les hommes ; la loi portant nouveau Code Pénal qui intègre la répression des discriminations et des violences à l’égard des femmes et des filles. Les dernières réformes ayant contribué aux résultats de ce jour sont celles adoptées en 2022, à savoir : la modification de la loi portant Code de sécurité sociale et la modification de la loi portant Code du travail, le paiement de 50% du salaire pendant les congés de maternité, pour ne citer que celles-là. Elles représentent une avancée significative pour garantir la sécurité financière des femmes en période de maternité.
À travers ces lois, les droits sociaux de la femme, son positionnement familial et ses droits matrimoniaux sont considérablement renforcés.
Dans les institutions éducatives, centres d’apprentissage et de formation professionnelle, le Togo a adopté une loi qui incrimine des actes d’atteinte à l’intimité, l’attouchement et le harcèlement sexuel, la pédophilie et le viol. Cette loi garantit également un accompagnement pour les victimes d’actes de violence à caractère sexuel.
A cela s’ajoute la prise le 24 février 2024, par le Ministre de la Fonction Publique, de l’arrêté portant protection des travailleurs victimes de discrimination, de harcèlement sexuel ou moral et de violence ou intimidation sur le lieu de travail.
Aussi, la participation citoyenne des femmes fait-elle également partie intégrante de cette politique de développement. Elle a eu pour corollaire, l’évolution substantielle de la représentativité des femmes dans les instances décisionnelles qui passe de 23% en 2019 à 35% en 2021 ;
En ce qui concerne l’entrepreneuriat, des amendements législatifs ont été adoptés pour éliminer les obstacles légaux et réglementaires à leur emploi. Enfin, des modifications législatives ont été apportées pour garantir l’égalité des droits dans l’accès et la gestion des actifs au sein du mariage.
Par ailleurs, plusieurs mesures relatives à l’inclusion sociale et financière ont été prises par le gouvernement. Il s’agit du Fonds national de la finance inclusive (FNFI) qui octroie des crédits aux femmes pour leur autonomisation sans oublier l’initiative présidentielle de réservation du quota de 25% de marchés publics aux femmes entrepreneures qui porte déjà ses fruits.
Le Togo a également fait d’énormes efforts dans la protection sociale des femmes notamment à travers le programme Wezou, une initiative nationale d’accompagnement de la femme enceinte et du nouveau-né.
Pour rappel, la contribution de la femme togolaise aux différents secteurs du pays est importante. L’histoire de notre pays a été marquée par les femmes NANA BENZ, reconnues pour leur capacité managériale et citées en exemple dans la sous-région.
Il faut également rappeler que « African Governance Awards », un programme de reconnaissance et de récompense des Institutions étatiques ainsi que des organismes internationaux et organisations de la société civile a, au regard de leurs réalisations dans leurs domaines d’intervention respectifs, décerné en février dernier, le prix du « Meilleur ministère de la promotion de la femme et de l’alphabétisation » pour le compte de l’année 2023 au Togo.
De plus, le Chef de l’Etat togolais, Son Excellence Monsieur Faure Essozimna Gnassingbé a reçu en 2021, une distinction honorifique du Mouvement mondial HeForShe de l’ONU Femmes. Elle lui a été décernée en reconnaissance de son engagement pour la promotion de la femme et de l’équité et l’égalité genre. Cette distinction est réservée aux Hommes d’Etat engagés pour la cause de la femme dans leur pays et dans le monde. La nomination des femmes à des postes de responsabilité et plusieurs autres initiatives, justifient le choix porté sur le Président togolais.
Envisagez-vous d’autres programmes en vue de renforcer ces acquis ? Si oui parlez-nous en de quelques-uns.
Les différents programmes mis en place par le Gouvernement en faveur de la promotion de la femme et de l’égalité des sexes déjà évoqués ne sauraient être une fin en soi. Le gouvernement entend poursuivre ces actions qui font également partie de l’agenda des objectifs de développement durable, notamment l’ODD 5 qui vise l’égalité entre les sexes et l’ODD 11 qui ambitionne la réduction des inégalités entre les sexes.
A ce titre, le gouvernement compte s’investir davantage en faveur de l’égalité des sexes à travers des actions visant la promotion du leadership des femmes et leur participation, l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le renforcement de l’autonomisation économique des femmes et l’extension de l’intégration de l’égalité des sexes dans les processus de planification et de budgétisation au niveau de tous les ministères.
Par ailleurs, avec l’appui des partenaires techniques et financiers, le Gouvernement a mis en place plusieurs programmes de renforcement de l’autonomisation économique des femmes, notamment :
- Le Projet d’Autonomisation des Femmes et du Dividende Démographique en Afrique Subsaharienne plus (SWEDD+), avec un coût total de 62,5 millions de dollars (37.5 milliards de FCFA), vise à améliorer l’accès des filles et des femmes à l’apprentissage, aux opportunités économiques et à l’utilisation des services de santé, ainsi qu’à renforcer les capacités institutionnelles du Togo en matière d’égalité des sexes.
- Nous pouvons aussi citer le projet Filets sociaux et services de base (FSB) financé par Banque mondiale (BM), l’Etat togolais et l’Agence française de développement (AFD) à hauteur de 39,319 milliards de francs CFA, dont 28, 260 milliards par la Banque mondiale ; 4,5 milliards par l’Etat togolais et 6,559 milliards par l’AFD, pour lutter contre la pauvreté et la vulnérabilité des ménages et communautés pauvres ciblés en vue d’améliorer leurs conditions de vie à travers, leur accès aux services sociaux de base, leur résilience aux chocs et le renforcement de leur capacité financière. Il a permis à plus de 125 000 ménages de bénéficier de transferts monétaires et renforcer ainsi leur résilience.
- Un autre exemple important c’est le programme d’inclusion financière FNFI (Fonds national de la finance inclusive) qui a permis d’octroyer en 10 ans d’opérationnalisation environ 109,83 milliards FCFA aux bénéficiaires. Ce projet a touché près de deux (2) millions de femmes du secteur informel. Il a permis de renforcer les capacités financières et opérationnelles des services financiers décentralisés dans la perspective de satisfaire les besoins de produits financiers des couches n’ayant pas accès à des services financiers classiques.
Sur les 10 indicateurs pris en compte relatifs à la vie professionnelle des femmes, le Togo est cité seulement dans 4. Y a-t-il des réalités qui ne favorisent pas encore des progrès dans les autres domaines tels que la rémunération, le travail, la retraite pour ne citer que ceux-là ?
Pas vraiment ! Au cours des trois dernières années, plusieurs actions ont été mises en œuvre afin de contribuer à accélérer l’agenda pour l’égalité des sexes au Togo, conformément à la Feuille de route gouvernementale 2020-2025.
C’est en effet, les retombées de ces réformes ambitieuses qui ont induit les résultats obtenus sur ces 4 indicateurs où le Togo a réalisé 6 réformes, 2 concernant la parentalité, 2 sur le mariage, 1 liée à l’entrepreneuriat et 1 relative aux actifs.
Pour les autres indicateurs, les réformes ont été faites dans les années précédentes, ce qui constitue la raison pour laquelle le Togo a obtenu un score de 100 sur 100 dans les indicateurs comme Rémunération, Pension, Mobilité et Travail.
« Le Togo fait partie des économies qui se sont les plus améliorées » a souligné le rapport. Venant de la Banque mondiale, on peut dire que le Togo est sur la bonne voie.
Absolument, vous le dites si bien sans vous tromper.
En effet, dans le domaine de la législation sur l’égalité des genres, le Togo se distingue en tant que pionnier et une référence, grâce à son engagement résolu à éliminer les obstacles juridiques et réglementaires entravant l’accès des femmes à l’emploi et à l’entrepreneuriat. Cette position proactive en faveur de l’égalité des sexes fait du Togo, un modèle à suivre dans la sous-région.
Le rapport souligne également un fossé entre les lois et l’application sur le terrain. Avez-vous fait le même constat ? Si oui, des mesures pour y remédier ?
Dans le rapport 2024, une innovation a été introduite. Il s’agit du Women Business and Law 2.0. Cette innovation, au-delà de mesurer le cadre réglementaire, se penche également sur les programmes de soutien qui permettent de faire appliquer ces lois dans la pratique, et l’opinion des experts. Elle souligne l’importance d’améliorer le cadre juridique du pays, tout en mettant en évidence la nécessité d’approfondir les efforts dans les domaines des cadres de soutien et des perceptions des experts pour atteindre des progrès plus significatifs
Le constat d’un fossé entre les lois et leur application sur le terrain est une réalité dans de nombreux pays, y compris au Togo. Pour y remédier, le Gouvernement togolais dispose déjà d’un plan d’action dont la mise en œuvre se concrétise par la mise en place des lignes vertes « 8284 » pour les VBG, « 8255 » pour le milieu scolaire et « 1011 » pour la protection des enfants. Il s’agit également de la création des centres d’écoute pour la prise en charge des victimes de VBG, des maisons de la femme, des maisons de justice, des centres intégrés « One Stop Center », et des centres de prise en charge des enfants victimes de violences.
Au-delà de ces actions, d’autres mécanismes de mise en œuvre, des dispositions légales sont en cours en termes de renforcement des capacités des institutions chargées de l’application des lois et de sensibilisation, surtout des femmes sur leurs droits.
Que pensez-vous de la situation de la femme togolaise en général de nos jours ?
Les femmes togolaises d’aujourd’hui ont pris conscience de leur valeur et de leur capacité à contribuer significativement au développement de leur pays. Dans cette perspective, le gouvernement ne ménage aucun effort pour les placer au cœur des politiques et des actions prioritaires.
Par exemple, le taux de scolarisation des filles a augmenté et de plus en plus de femmes accèdent à des postes de responsabilité dans différents secteurs. A cela, s’ajoutent les nombreuses initiatives dont elles bénéficient dans les domaines de l’entreprenariat, de l’inclusion sociale et financière pour accroître leur autonomisation.
Toutefois, bien que des progrès aient été réalisés, beaucoup reste encore à faire pour garantir l’égalité des chances et le respect des droits des femmes dans tous les aspects de la vie sociale, économique et politique au Togo.
J’exhorte les femmes à s’affirmer davantage en prenant conscience de leur responsabilité sociale et leur contribution au développement par le mérite et l’excellence.
Avez-vous un message particulier à l’endroit de nos lecteurs ?
Pour les lecteurs et lectrices d’Ekinamag, je tiens à dire un sincère merci pour le soutien continu au Gouvernement dans cette noble cause, celle de garantir et de promouvoir les droits des femmes. Je voudrais exprimer ma gratitude envers toutes les femmes togolaises qui, malgré les obstacles, continuent de se battre pour leurs droits et leur place dans la société. Leur détermination et leur résilience sont une source d’inspiration pour nous tous. Nous nous engageons à être des partenaires dans leur lutte et à œuvrer pour un Togo où chaque femme est respectée, valorisée et pleinement épanouie. Ensemble, nous pouvons bâtir un avenir plus inclusif et équitable pour toutes et pour tous.
Pour finir nous disons « Oui nous pouvons » ; « Yes We Can ».
Que l’Eternel bénisse les femmes togolaises sans oublier les hommes et que l’Eternel bénisse le Togo. Je vous remercie !
Interview réalisée par Ida BADJO