Dans un rapport rendu public, Amnesty International expose des cas d’accusation de sorcellerie dans le Nord Ghana à l’endroit des femmes. Des pratiques sociales et culturelles discriminatoires à l’égard des femmes qui amènent l’organisation à attirer l’attention du gouvernement ghanéen, tout en faisant des recommandations pour une amélioration de la situation.
L’organisation a mené une enquête dans quatre camps au cours des deux voyages de recherche qu’elle a effectués dans le pays et elle a interrogé : 93 personnes accusées de sorcellerie ; la famille d’une femme tuée à la suite d’une accusation ; quatre personnes assurant la supervision des camps ; 12 organisations nationales et internationales qui travaillent sur le problème ; une universitaire en sciences du développement et 22 représentant-e-s du gouvernement, y compris des autorités locales.
Il est constaté que le manque de ressources économiques observées dans ces régions (Nord et Nord-Est) par rapport au reste du pays engendre des tensions au sein des communautés et accentue le risque pour des personnes déjà marginalisées, en particulier les femmes âgées, d’être accusées de pratiquer la sorcellerie.
Les accusations, souligne le rapport de Amnesty International, trouvent souvent leur source dans « des événements tragiques, comme une maladie ou un décès, mais peuvent également provenir de certains membres de la communauté ayant eu une vision en rêve, ou qui sont simplement envieux de la personne qu’ils accusent ».
Les personnes accusées de sorcellerie, poursuit le rapport, « sont généralement confrontées à des formes intersectionnelles de discrimination, et sont dans l’incapacité de se défendre, car elles présentent souvent une ou plusieurs caractéristiques qui les mettent plus en danger d’être accusées que d’autres au sein de la communauté ». Ces caractéristiques peuvent inclure « le fait d’être une personne âgée, d’être une femme, la pauvreté, le fait d’avoir reçu une éducation formelle limitée, de souffrir de problèmes de santé ou de présenter un handicap. Les femmes qui ne sont pas mariées, qui ont du succès ou qui ne se conforment pas aux stéréotypes de genre, ont plus de chances d’être prises pour cible par ces accusations, ainsi que les veuves qui n’ont pas de fils adulte », détaille le rapport.
Les accusations, en effet, proviennent de la cellule familiale et peuvent donner lieu à « des actes de violence, y compris des homicides, ce qui ne laisse aux personnes accusées qu’un seul choix, celui de fuir ».
Au Ghana, constate Amnesty International, les faits de violence perpétrés contre des personnes accusées de sorcellerie sont rarement signalés à la police. Ce manque de signalement qui est en partie dû à l’ignorance de la population par rapport à leur droit et la crainte des représailles des accusateurs. Par ailleurs, « le manque de lois spécifiques relatives aux attaques liées à la sorcellerie, aggravé par l’absence d’une campagne nationale globale visant les régions concernées, porte atteinte aux droits à la vie et à la sécurité des personnes accusées et de celles qui sont à risque de l’être ».
Ces femmes se trouvent obligées de se réfugier dans des camps où des conditions de vie sont très précaires. « Compte tenu des conditions de vie dans les camps, les résident-e-s sont tout spécialement exposés aux maladies. La santé mentale est aussi préoccupante dans les camps. Une femme a déclaré à Amnesty International qu’elle avait même envisagé de se suicider », rapporte l’enquête.
Pour finir, Amnesty International formule des recommandations à l’endroit de l’Etat ghanéen. L’organisation suggère à ce que le gouvernement « mette en œuvre une campagne de sensibilisation nationale coordonnée, et sur le long terme, afin de remettre en question les pratiques sociales et culturelles discriminatoires à l’égard des femmes et des personnes âgées, notamment les accusations de sorcellerie ».
En outre, propose-t-elle que des lois érigeant en infractions les accusations de sorcellerie et les atteintes aux droits humains qui en découlent soient adoptées. Aussi urge-t-il que le gouvernement garantisse, pour des personnes qui demeurent dans les camps, l’accès à des moyens de subsistance, à une alimentation correcte, à de l’eau propre et à un logement adéquat pour toutes les personnes affectées, et sans aucune forme de discrimination. « Ceci peut être en partie réalisé en procurant une aide financière régulière à toutes les personnes qui résident dans les camps ».
En somme, la prédominance des accusations de sorcellerie et des atteintes qui y sont liées dans les régions du Nord et du Nord-Est constitue, selon Amnesty International, « une atteinte aux droits à la vie et à la sécurité des personnes accusées, principalement des femmes âgées ».
Atha ASSAN