Depuis 25 ans, AZAGLO Ayawa exerce le métier d’horlogerie que rien apparemment ne l’y prédestinait. Une des rares horlogères au Togo, AZAGLO Ayawa y a trouvé son chemin pour voir son rêve s’accomplir. EKINAMAG vous fait découvrir une autre femme qui évolue dans un domaine majoritairement masculin.
Au carrefour d’Atikoumé se situe l’horlogerie « Don de Dieu ». A peine sa porte franchie, on pénètre dans un univers avec des cadrans au mur et sur les étagères. Le temps semble figé et les différents modèles d’horloges exposés racontent chacun une histoire, une aventure. La patronne des lieux se nomme AZAGLO Ayawa . Une femme à vue d’œil déterminée qui, telle une illuminée répare à travers ces montres, les unes plus vieilles que les autres, un vécu. Exerçant un métier qui résiste au temps, tout aussi particulier qu’elle-même, AZAGLO Ayawa a fait de l’horlogerie, une véritable passion, depuis plus de deux décennies.
Après avoir renoncé aux études, suite à un échec au BEPC, AZAGLO Ayawa avait voulu rentrer dans l’armée. Une décision qui illustre déjà une forte personnalité. Mais, ce n’était pas possible en ces débuts des années 80 où l’entrée dans l’armée n’était réservée qu’aux hommes. Situation frustrante pour la jeune fille d’alors qui ne voulait en aucun cas faire un de ces métiers que la société imposait aux filles comme la couture, la coiffure et bien d’autres. Elle va passer quelques temps à la maison sans rien faire, avant de trouver finalement sa voie, en découvrant l’horlogerie. Vite, elle y entrevoit une belle manière de prendre sa revanche sur la société en se lançant dans un métier dit « masculin » pour défier les stéréotypes.
« Mes parents ne voulaient pas en entendre parler. Ils étaient opposé au fait que je veuille apprendre un si curieux métier. Ils n’y voyaient pas d’avenir pour une femme. Mais pour moi, c’est une façon de faire la différence. Il a fallu que je commence par collecter des montres et des horloges en panne dans le quartier que je réparais au boulot, ce qui me rapportait un peu d’argent pour que les parents ne soient finalement d’accord avec moi. Vous savez dans le temps, les gens avaient des horloges mécaniques sophistiquées souvent qui sonnaient chaque heure donc le métier était plus porteur et les clients ne manquaient pas » raconte AZAGLO Ayawa.
De 1988 à 1992, la formation à l’horlogerie VITI et FILS dans le temps à Tokoin RAMCO terminée, la jeune fille se mit à son propre compte et depuis ne regrette point d’avoir eu cette audace.
« Si c’était à refaire, je le referai. C’est un métier qui m’a nourri et continue de nourrir ma famille et moi. Grâce à ce métier, j’arrive à soutenir économiquement mon mari et mes enfants n’ont jamais manqué de l’essentiel qu’il faut », insiste-t-elle, avant d’expliquer, en quoi consiste son travail: « Nous confectionnons les montres et nous les personnalisons aussi. Nous réparons tous les types de montres et d’horloges. Vous pourriez aussi changer des piles de vos montres chez nous. Nous donnons une nouvelle vie aux montres. Nous réactualisons toujours notre savoir pour s’adapter aux nouveautés ».
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Et pourtant les difficultés n’en manquent pas. Si l’horlogerie s’ouvre tôt et se ferme tardivement pour satisfaire beaucoup de clients, il n’en demeure pas moins que certains clients sont de véritables sources de problèmes. Mais l’expérience aidant et par « la grâce de Dieu », la patronne de l’horlogerie « Don de Dieu » s’en sort toujours. Elle relate : « il y a des clients qui viennent déposer les montres et disparaissent pour réapparaître 2 ou 3 ans plus tard. Et parfois, parce que cela a trop duré et nous les avons rangé quelque part, nous avons des difficultés pour les retrouver. J’ai eu une situation comme cela où le client m’a convoqué parce que j’aurai égaré sa montre. Heureusement que je l’ai retrouvé finalement.».
Cette vraie passionnée a su transmettre cet amour du métier à beaucoup de jeunes qui ont appris l’horlogerie chez elle et d’autres continuent d’ailleurs. Parmi ses apprentis figure l’un de ses enfants qui après l’obtention de sa licence, décide d’emboiter le pas à sa mère.
On ne peut donc que reconnaître à cette dernière, le mérite d’une battante qui a fini par mettre tout le monde d’accord.
Même si certains ont du mal à croire qu’une femme excelle si bien dans ce métier, l’évidence est manifeste qu’une telle perception reste « archaïque. « Certains clients débarquent dans l’atelier et demandent d’après le patron à mes apprentis en ma présence (rire). Et quand ils leur répondent que c’est moi, ils ont de la peine à croire. Je suis habituée à cette scène qu’elle ne m’offusque plus .J’aime mon travail et je m’y plais. Je demande aux femmes souvent oisives à la maison attendant que leurs maris fassent tout pour elles, de faire une activité sinon d’apprendre l’horlogerie. Il n’y a pas de métier qu’une femme ne peut pas faire », conseille AZAGLO Ayawa aux femmes.
De nos jours, malgré l’avènement des téléphones portables qui offrent l’heure, le métier d’horlogerie résiste et se révèle toujours indispensable. La montre, selon l’horlogère reste une marque d’élégance et au regard de son importance dans l’industrie du luxe, les téléphones portables ne pourront apparemment pas se substituer à elle, en matière de contrôle de temps.
Au besoin, l’horlogerie « Don de Dieu » est joignable au+22898686943/ 90304135 . Son adresse email est: abotsin@yahoo.fr
Ce portrait est le troisième d’une nouvelle série de huit (8) portraits, lancée par le webmagazine EkinaMag, portant sur le thème « halte aux clichés, elles évoluent dans un domaine dit masculin ».
Seyram Kossivi