Le domaine de l’architecture et de l’urbanisme compte très peu de femmes au Togo. Cependant, quelques-unes qui s’y sont aventurées font leurs preuves. La jeune femme à l’honneur aujourd’hui sur EkinaMag est un étendard, un « flambeau » qui mérite d’être célébrée pour l’abnégation et l’excellence de son engagement dans son métier.
Akuto Akpedze Rolande Konou, puisque c’est d’elle qu’il s’agit est Architecte Urbaniste, inscrite à l’Ordre National des Architectes de Togo (ONAT). Elle est Co-fondatrice et Directrice de « Axe Durable SARL», Fondatrice et Gérante de Konou & Co SARL-U, des entreprises d’architecture, d’urbanisme et de génie civil. Elle est aussi fondatrice et Directrice de Afrik Durabiliterre, une boîte qui met le digital au service d’un habitat durable.
Plaçant la protection de l’environnement au cœur de son métier, Rolande Konou a construit plusieurs bâtiments écologiques et économiques au Togo. Lisez plutôt !
Veuillez mieux vous présenter à nos lecteurs !
Je suis Akuto Akpedze Konou, on m’appelle aussi Rolande et Sika, dans certains contextes. Je me considère comme citoyen du monde, en perpétuelle quête de sens, donc une personne dont les réflexions sont en quasi constante ébullition. Je sais que je suis un peu trop rêveuse, idéaliste, ce qui verse aisément dans le perfectionnisme et des périodes successives de procrastination.
J’ai besoin de calme et d’instants de solitude relativement longs pour me recharger après de fortes sollicitations sociales, intellectuelles ou émotionnelles. Je suis « slasheuse », c’est-à-dire qu’il m’arrive de cumuler plusieurs professions à la fois. Je pense être « digital nomade » dans l’âme, j’ai des intérêts dans divers domaines de la vie, ce qui fait que je suis amoureuse de la nature, des sports, de la musique, des arts en général, tout ceci me confère une sensation forte de décalage, surtout cette envie de « sauver le monde » incessante et irréaliste, certes. Ce qui est sûr, j’aime m’émerveiller des divers couleurs, odeurs, goûts, mouvements, sons et idées qui font la beauté et la richesse de cet univers. Je sais que ce n’est probablement pas le genre de réponse à laquelle vous vous attendiez, mais voilà tout moi ! Hahaha !
Mais bon, si la présentation pour le commun devait être de dire ce qu’on fait selon ses diplômes, je dirais que je suis Architecte Urbaniste DEIAU, inscrite à l’Ordre National des Architectes de Togo (ONAT), sous le numéro 118. S’il faut ajouter des postes actuels, je suis Co-fondatrice et Directrice de « Axe Durable SARL», Fondatrice et Gérante de Konou & Co SARL-U, des entreprises d’architecture, d’urbanisme et de génie civil. Je suis aussi Fondatrice et Directrice de Afrik Durabiliterre, une boîte qui met le digital au service d’un habitat durable.
Je suis aussi Assistante d’enseignement et doctorante à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse, sous la supervision de Jérôme Chenal, le directeur du laboratoire « Communauté d’Études pour l’Aménagement du Territoire de l’Architecte Urbaniste » (CEAT).
Parlez-nous de votre enfance
J’ai vu mon premier rayon de soleil dans le dispensaire d’un petit village dans les montagnes de la préfecture de Kloto, appelé Agome Tomegbe, situé sur la frontière sud-ouest du Togo et du Ghana. Ensuite j’ai grandi à Kpalime, une ville touristique, à 120 km au Nord-Ouest de Lomé.
Mes parents sont Annie de la famille Etsoh et Seti de la famille Konou. J’ai 2 grands demi-frères Eli et Alex, malheureusement, Alex est décédé dans la fleur de sa jeunesse, il y a un peu plus de 10 ans. J’ai également une grande demi-sœur, Adjo. On a grandi dans une famille de statut social super modeste, mais je pense qu’on a toujours été bien entouré d’amour, à l’image des larges familles africaines. Je suis la benjamine de la fratrie, donc le bébé hahaha !
Enfant, j’adorais lire, lire et encore lire. Puis, inventer des choses, bricoler (j’ai par exemple essayé de créer un delta-plane à partir d’un parapluie, pour l’anecdote, j’ai sauté avec du haut de la clôture et cela ne s’est pas si bien passé que ça, j’ai aussi fabriqué une petite voiture en bois, qu’on a nommé « Hotoklolo » qui, en effet, est une onomatopée, dans laquelle on se poussait, avec mes amis du quartier, et j’ai fabriqué une guitare en bois, contreplaqué et cordes métalliques recyclées de matériaux de construction. Il y a aussi la table de ping-pong et la raquette en bois et contreplaqué, le filet de long tennis en moustiquaire, la balle de badminton en bouchon de liège et plumes de nos pigeons, dont je me souviens. Bref, tout ce qui me donnait envie de pratiquer mais dont on n’avait pas les moyens de me les offrir, j’essayais de les fabriquer moi-même. Je me rappelle avoir inventé aussi de toute pièce un nouveau sport que j’ai appelé « Rackball ». J’ai aussi modélisé des baby-foot en carton, avec lesquels, on faisait de sympas championnats. Pour ce faire, j’ai même investi un local vide de la maison que j’ai transformé en laboratoire, avec des coins biologie, chimie, physique, arts, etc. Haha ! Voilà, créer, bouger, chanter, danser aussi étaient mes passions ! J’ai également un peu dessiné. J’ai participé, sous l’encouragement constant de mon Papa, très tôt à plusieurs concours, de dessin, de lecture, de dictée, et même d’écriture de nouvelles pour les journaux « Planète Jeune » et « Planète Enfant ».
J’adorais aussi prendre soin de mon chien, Milou ! C’est peut-être même pourquoi mon rêve d’enfance était de devenir Médecin, pour prendre soin des gens ! Plus précisément, chirurgienne obstétricienne gynécologue.
Qu’en est-il de votre cursus universitaire et parcours?
Après mon BAC, j’ai passé le concours de l’École Africaine des Métiers de l’Art et de l’Urbanisme (EMAU) ici à Lomé que j’ai intégré par la suite. A l’époque c’était une branche commune, architecture et urbanisme. J’ai donc fait un double diplôme. Déjà en deuxième année, j’avais suivi un stage dans un cabinet, le cabinet GIGA où j’ai acquis beaucoup de connaissances en tant qu’Architecte Chef Projet grâce à une équipe accueillante et bienveillante dans une ambiance bon enfant. Après, j’ai travaillé pour un bureau franco-togolais appelé CITEALES de AFRIQUE DEVELOPPEMENT ou FEDINTER appartenant à un grand de l’immobilier français Eric DUVAL. Ensuite, j’ai été recrutée pour travailler avec une agence allemande dénommée GFA GmbH sur un projet de la coopération allemande KFW concernant la modernisation des écoles de formations techniques et professionnelles sur toute l’étendue du territoire togolais. Sur ce projet, j’étais chef projet adjoint. J’étais aussi consultante pour la même boîte sur le même projet et j’ai décidé de lancer ma propre structure, AXE DURABLE SARL. Après une formation au FAIEJ pour les jeunes entrepreneurs, grâce à mon business plan, j’ai eu la chance de faire partie des 10 lauréats togolais d’un concours (CONFEJES-PEPEJ) organisé par l’OIF. J’ai eu droit à une subvention qui m’a permis de lancer une entreprise parallèle que j’ai dénommée « AFRIK DURABILITERRE », spécialisée dans la communication digitale pour la promotion des métiers de l’aménagement du cadre de vie avec un focus sur les praticiens qui prennent en compte les critères du développement durable. Ultérieurement, il y a KONOU & CO SARL U qui a suivi et se veut pratiquer de nouvelles formes d’architecture et d’urbanisme.
Au vu de votre formation et parcours, c’est plutôt surprenant de vous savoir également comme femme de média
Oui, on peut le dire ainsi puisqu’au départ, je n’avais vraiment pas envisagé cette option. Tout a commencé au collège lorsque j’ai été convoqué suite à un jeu radiophonique pour faire partie de l’équipe d’une radio chez moi à Kpalimé, elle est nommée Radio Planète Plus. Ils avaient trouvé que j’avais une voix radiophonique. Plus tard à Lomé, j’ai eu la chance de faire du bénévolat sur Métropolys, puis avec Valérie de Radio Lomé, paix à son âme, avant d’intégrer le groupe des jeunes de l’émission Fréquence jeunes. De là, j’ai aussi fait des chroniques sur LCF et City FM. Dans la foulée, je présentais beaucoup d’évènements culturels à l’EAMAU et dans d’autres institutions. Il se fait que mon patron de stage professionnel, l’architecte urbaniste Patrick Amendah est aussi passionné de la communication. Je suis donc rentrée dans le monde du journalisme et de la communication par un concours de circonstances. J’ai monté également dans le temps avec les amis de l’école un groupe de hip hop où je me défoulais dans cette passion de la musique. Cela m’a été utile pour mes émissions culturelles à la radio et renforcé mon intérêt pour l’art en général.
Quand on parle de l’architecture et de l’urbanisme, parle-t-on de deux domaines différents ?
Tout à fait, l’architecture et l’urbanisme sont deux domaines proches mais qui ne se confondent pas. L’architecture c’est une science, un art et technique à la fois qui s’occupe du bâtiment, qu’il s’agisse de la maison, du bureau, du monument, de l’immeuble, bref de tout ce qui est construction de l’habitat. L’urbanisme à côté, c’est comme un sujet d’échelle d’intervention, c’est la science, la technique et l’art également qui planifie une ville ou un ensemble d’établissements humains. Pour faire simple, je dirai que l’architecture s’occupe d’un bâtiment alors que l’urbanisme s’occupe de plusieurs bâtiments mis ensemble. L’urbanisme, c’est le plan de planification d’ensemble où chaque élément est placé au bon endroit pour une cohésion générale, l’urbaniste doit aussi être pro actif, se projeter autant dans le futur et imaginer la ville dans plusieurs années à venir.
Qu’en est-il de la gestion et de l’aménagement du territoire qui s’y ajoute de nos jours?
En fait, je parlerai de la gestion urbaine. Quand l’architecte conçoit et fait construire le bâtiment par le génie civil, l’urbaniste fait la projection de l’emplacement du bâtiment dans la ville, le gestionnaire urbain vient ensuite pour gérer ce qui est déjà construit, mis en place et aménagé. Il faut une personne pour gérer ce qui est mis en place et c’est le rôle du gestionnaire urbain. L’aménagement du territoire c’est également une question d’échelle et c’est un peu politique, stratégique, il qui consiste à positionner les différents éléments du pays afin que cela puisse profiter à tous. Ceux qui ont la charge de l’aménagement du territoire vont recenser les ressources de chaque région et déterminer les activités économiques par exemple à promouvoir dans chaque localité pour que cela soit réellement profitable à la région et au pays. Ainsi, les régions peuvent être aménagées avec un certain principe de spécialisation pour renforcer la compétence et l’excellence. Cela peut bien aller au-delà de cette politique, c’est-à-dire jusqu’aux détails pour une proposition d’architecture ou d’éléments urbanistiques correspondant au milieu, à la culture, aux valeurs etc. C’est donc des domaines distincts mais complémentaires.
Que dire de l’apport de ces sciences dans la construction des villes en Afrique ?
Le développement des villes en Afrique est fulgurant, l’évolution démographique est d’un rythme exponentiel et sa vitesse est difficilement saisissable. C’est du coup un réel souci pour les praticiens de mettre à contribution leurs expertises pour déterminer les plans adaptés et adaptables aux villes. Ils sont souvent sollicités après que les constructions soient réalisées et sont en cas de problèmes. Bien qu’il s’agisse d’être proactif pour faire des projections sur des années d’amoindrir des difficultés dans le futur. Je crois qu’il faut continuer à sensibiliser la population et à travailler avec elle pour qu’ils comprennent qu’avant d’acheter un terrain en périphérie pour aller s’y installer, il ne faut pas seulement voir l’accessibilité financière ou juridique mais également l’opportunité que le terrain ou la zone corresponde aux normes et peut bénéficier des infrastructures de viabilisation idoines pour être vivable à long terme. Il doit donc chercher à se conformer aux exigences officielles en la matière. Malheureusement, cela va si vite que toute une population parfois occupe une zone vulnérable et se débrouille pour tirer des ‘’toiles d’araignées’’ pour avoir de l’électricité. Et du côté des architectes aussi, il faut aussi prendre contact avec une ou un si l’on veut s’installer pour avoir ces directives en information. Là aussi, les gens pensent que l’architecte coûte trop cher alors que son travail est très social et on a à cœur d’aider. Ce que vous perdez dans une construction mal faite ou faite en mauvaise zone est plus important que ce que vous payeriez à l’architecte qui vous aidera à l’éviter.
Pour le commun des mortels, on dit souvent que l’architecte prend carrément le dixième du montant total de la construction, est-ce vrai ?
Selon les règles de l’Ordre National des Architectes du Togo (ONAT) dont je fais partie, effectivement cela varie de 3,50 à 12,50%. Beaucoup d’éléments sont à prendre en compte tel que les catégories de bâtiments en jeu. Mais je ne pense pas que quand il s’agit de l’humain et de la sécurité de son habitat, ce soit exagéré de parler de 10%, dixit d’autres métiers ou domaines commerciaux en général qui demandent relativement le même pourcentage d’honoraires. Les gens dépensent des millions voire des dizaines de millions pour bâtir leurs ouvrages mais trouvent curieusement exagéré d’en prendre une petite partie pour payer celui qui va les aider, qui va les décharger de beaucoup de problèmes parallèles, ce n’est pas facile pour nous dans la corporation de comprendre cet état de fait. C’est un investissement pour dormir, travailler, échanger ou se recréer, bref, vivre en un lieu sûr. Mais ceux qui nous approchent, c’est un plaisir de les accueillir et souvent d’aller aux négociations pour les aider au détriment souvent des charges à supporter.
Comment devenir architecte, urbaniste ou aménagiste du territoire ?
Tout d’abord, je tiens à préciser que beaucoup se disent architectes sans pour autant l’être. Pour éviter les pièges, rassurez-vous que le ou la concerné.e est inscrit.e à l’Ordre National des Architectes (ONAT) et qu’il a son numéro d’enregistrement par lequel nous sommes identifiés.
Revenant à la question, il faut d’abord avoir son Baccalauréat scientifique C ou D de préférence puisque les mathématiques comptent pour beaucoup de points. Ensuite, il faudra passer le concours de l’École Africaine des Métiers de l’Art et de l’Urbanisme (EMAU) au Togo ou dans tout pays membre de l’institution. Au Togo, l’EAMAU est seule habilitée à délivrer des diplômes accrédités dans le domaine. Pour l’aménagement du territoire, je pense qu’il y a une option au département de géographie à l’université pour s’y former. Et pour le génie civil, il y a principalement à l’Université de Lomé, l’École Nationale des Sciences de l’Ingénierie (ENSI). Parallèlement, il y a des structures de formation privées et autres qui forment, il faut toutefois bien se renseigner sur la valeur réelle de ces diplômes ou des compétences acquises sur le plan international si l’on aspire à cette échelle d’action.
Vous avez à cœur la protection de l’environnement et à ce propos vous avez opté pour des constructions écologiques, de quoi s’agit-il ?
J’ai toujours eu une certaine sensibilité pour l’environnement puisque j’ai grandi entourée de verdure. Lorsqu’il s’est agi de rédiger mon mémoire de master à l’EAMAU, j’avais envie de faire quelque chose qui sort de l’ordinaire. Au bénéfice de mes recherches pour faire de l’urbanisme en protégeant l’environnement, j’ai découvert le concept de développement durable. C’est ainsi que j’ai opté pour la thématique de la promotion du développement endogène de la préfecture de Kloto en se basant sur les ressources naturelles et culturelles disponibles pour le tourisme responsable. J’ai été invitée à présenter cela à plusieurs occasions solennelles pour la pertinence du thème.
Préconiser aux gens d’utiliser tout ce qu’il y a de disponible pour la construction surtout les matériaux locaux n’est pas évident. Or c’est ce que nous avons appris et c’est ce qui est bien. Il suffit d’améliorer pour que cela soit joli et s’intègre dans le contemporain, dans l’ère du temps. Cela me tient à cœur et je trouve que c’est plus sain. Une construction en terre ne dégage presque pas de CO2 cependant les bâtisses en ciment en dégagent énormément, ce qui n’est pas bon pour la santé.
Pour l’instant, nous faisons de notre mieux, mes collaborateurs et moi. Nous avons par exemple construit des bâtiments écologiques et économiques au Togo. On pourra compter le mini-marché de produits locaux « Espace Et Vitrine Agroalimentaire FAO » à la place FAO, sur l’avenue des Nîmes entre la BCEAO et l’hôtel 2 Février. Il y a également la maison de l’ancien ministre de la Formation professionnelle, à Baguida. Il y a une partie de la médiathèque du FAIEJ à Bè-Klikame, l’école primaire publique Damade à Agou dans la région des Plateaux pour le compte de l’Association Française et Togolaise DEKA EWE et actuellement une petite maison en construction pour l’association Suisse et Togolaise AADO, ces deux dernières œuvrent dans l’éducation et l’aide aux enfants déshérités. Ces constructions sont principalement en BTCS (Brique de Terre Comprimée et Stabilisée), et la médiathèque est en tôle recyclée et bambous, avec une toiture double végétalisée. Une maison a été érigée à Agou utilisant des pierres de Kpalimé et une autre maison de campagne est en construction dans les montagnes de Kloto, sur la cascade de Tomegbe. Celle-là est très expérimentale en pierres, terre, bambou et bois. D’autres projets sont encore en phase de conception et seront dévoilés bientôt.
Actuellement, vous êtes sur un projet dans un pays africain, qu’en est-il ?
J’ai postulé pour la bourse du congrès américain « Fullbright » qui m’a été accordée, Dieu merci. Cela m’a conduit à aller aux Etats Unis pour faire un autre master en Community and Regional Planning. De là, j’ai reçu une opportunité de thèse de doctorat de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) en Suisse. Mon dossier ayant été sélectionné, je fais ma thèse de doctorat actuellement là-bas dans le laboratoire CEAT (Communauté d’Etudes pour l’Aménagement du Territoire de l’Architecte Urbaniste), dirigé par Dr. Jérôme Chenal. Je profite de l’occasion pour rendre un hommage mérité à Jérôme Chenal pour sa supervision de qualité, pour tout le soin excellent qu’il prend de tous les collaborateurs de son écurie. Il nous donne la motivation et l’envie d’avancer à tout moment et en toutes circonstances. Cette thèse porte donc sur l’étude des impacts de la pratique de l’agriculture urbaine sur la santé dans les villes africaines. Je travaille essentiellement sur Lomé au Togo et Dar-es-Salaam en Tanzanie. Présentement, je forme des jeunes urbanistes qui m’aident à poser des questions aux agriculteurs urbains sur divers sites, je récolte les informations, et après je vais les analyser et en sortir des recommandations pour les agriculteurs, des publications, les consommateurs des produits de ces champs pour les deux pays et surtout les planificateurs et les autorités de ces villes et pays. L’idée finale est de savoir s’il faut systématiquement intégrer l’Agriculture Urbaine dans la planification des villes pour une meilleure santé. L’année passée, j’en ai fait pour Lomé et cette année, j’en fais pour Dar-es-Salaam.
Votre corporation est mixte mais dites-nous, tout vous est-il offert sur un plateau d’or lorsqu’on est une femme ?
Non, pas du tout. C’est vrai que j’ai personnellement senti cette appréhension à mon endroit, de l’idée que l’on se fait de l’architecte du fait qu’on s’imagine que l’homme soit plus adapté aux travaux de la construction qui sont assez énergiques et physiques. Mais cela n’a rien à voir. Certains clients préfèrent d’ailleurs les femmes du fait de la sensibilité relativement naturelle qu’a la femme pour le goût de la créativité, de l’art, de l’esthétique. Certains pensent que l’architecte femme rend mieux les projets d’architecture en termes d’esthétique. Par rapport aux autres collègues architectes, je dirai que nous sommes plutôt bien entourées, valorisées et protégées. C’est en tout cas mon sentiment premier et j’espère que c’est vrai.
Le souci est juste qu’il y a des habitudes dans le milieu surtout celle de travailler tardivement dans la nuit ce qui est assez éprouvant, la fameuse « charrette » ou « traversée de nuit ». Les femmes architectes peuvent s’y sentir moins à l’aise surtout en raison des responsabilités de vie privée qui incombent souvent aux femmes. On peut donc dire que l’exercice du métier peut s’avérer parfois différent aux vues des besoins et des devoirs particuliers de la femme, mais ce n’est pas une raison suffisante pour ne pas oser s y lancer, les filles !
Qu’avez-vous à dire justement aux filles qui auraient aimé vous emboîter le pas ?
Je dirai « foncez », si ce métier vous inspire, allez-y, cherchez les moyens de votre ambition. L’avantage dans ce métier est que vous devez être assez polyvalents. Si c’est un hôpital à construire, vous devez savoir comment fonctionne un hôpital. C’est pareil pour un bâtiment administratif ou une ferme agricole par exemple. On devient obvie nécessairement un administrateur ou un fermier, on se met dans leur peau pour comprendre le fonctionnement et les liens entre les espaces. Cela exige d’être assez cultivé et donc, cela contribue en final à la capacité d’embrasser d’autres domaines quand on veut changer de cap. C’est un métier d’opportunité. On peut s’en sortir entrepreneure ou opter pour une organisation internationale ou encore pour une institution gouvernementale. Il y en a même qui se concentrent à la fin sur des arts autour comme la photographie, la peinture, la musique, la danse, etc. Vous voyez donc la kyrielle de possibilités qui vous est offert, chères sœurs, de vous laisser séduire par le métier d’architecte !
Merci à EkinaMag pour la voix offerte!
Interview réalisée par Ida BADJO