Depuis sa sortie, la web série ‘’AHOE’’ fait des vagues. Ils sont nombreux, cinéphiles ou non, à aduler cette magnifique et originale production togolaise dont l’histoire relate des faits du quotidien. Le scenario est le chef d’œuvre d’une jeune femme, véritable mordue du septième art qui, depuis quelques années, démontre son extraordinaire talent à travers plusieurs réalisations dont la plus récente AHOE que le public ne cesse d’encenser. De son vrai nom, Madie Kokoè TEKO-FOLLY, c’est avec satisfaction et reconnaissance que Madie Foltek s’est livrée à EkinaMag.
Qui est Madie Foltek ?
Une togolaise au grand sourire, amoureuse de la vie, passionnée d’écriture et une scénariste.
Vous avez une passion pour le cinéma. Qu’est-ce qui a été le déclic ?
L’origine de ma passion pour l’écriture et le cinéma date de ma plus tendre enfance. Je regardais énormément de films avec ma famille, mais je passais encore plus de temps à lire. Tout a changé le jour où j’ai eu l’idée d’écrire une histoire pour divertir ma mère qui était hospitalisée. Voyant mon potentiel, elle m’a encouragée à continuer d’écrire, et je n’ai jamais arrêté.
Quant à ma passion pour le cinéma, elle a été encore plus nourrie en 4ème au Collège Mgr Strebler, par mon professeur de français, M. Apedo, à qui je rends un vibrant hommage. A l’époque, il m’avait encouragée à intégrer son club de lecture où on faisait également des analyses de films et de pièces de théâtre.
Votre parcours professionnel ?
Après mes études secondaires au Collège Notre Dame des Apôtres (NDA), au Collège Mgr Strebler, puis au Collège St Joseph, j’ai obtenu mon Bac à l’école américaine International School of Lomé (ISL) en 2002, et j’ai poursuivi mes études supérieures aux États-Unis.
A la University of Saint Thomas, j’ai d’abord obtenu mon Bachelor en Communication, option Publicité, parce que j’avais en tête de révolutionner le monde de la publicité au Togo, et en Espagnol parce que c’est une langue que j’adore.
Cependant, ma passion pour l’écriture et le cinéma m’a rattrapée, et j’ai donc décidé de poursuivre mes études pour devenir scénariste. Après deux années intenses mais passionnantes, j’ai obtenu en 2012, mon master en Cinéma et Audiovisuel, option Scénarisation Cinéma/Télévision.
Vous êtes scénariste et vous avez écrit des scénarii de séries qui cartonnent ? Quelles sont vos sources d’inspiration et quelles thématiques traitent ces séries ?
Je puise mes inspirations partout, car certains comportements humains ont lieu partout autour de nous : les réalités, le quotidien, mon environnement, un incident ou une situation particulière dont j’ai été témoin, des voyages, des rencontres, de paroles de musique, des actualités, des scènes dans la rue, des visages, des noms, des conversations… etc. D’ailleurs, j’ai l’habitude de dire à mes proches que tout ce qu’ils me disent peuvent se retrouver dans mes histoires.
Dans les séries que j’ai écrites, j’ai abordé des thèmes comme la violence conjugale, l’infidélité, les problèmes de fertilité dans le couple, la pression de la société sur les femmes qui ne sont pas encore mariées et/ou n’ont pas encore d’enfants, la famille recomposée, l’amour fraternel, la vraie amitié, l’amitié entre hommes, l’amitié entre femmes, la tradition face à la modernité, les secrets qui détruisent les familles, la gestion des funérailles chez nous, la perception que l’on a des gens de la diaspora, le chômage des diplômés, l’insertion des handicapés dans le milieu professionnel… etc.
Parlons de la web-série »Ahoé » dont tout le monde parle actuellement. Une vraie prouesse cinématographique. Quelle est l’histoire de cette série ?
Angela Aquereburu et moi sommes parties du constat que la plupart des Togolais, au Togo comme à l’étranger, n’avaient pas accès à nos séries. Ce n’est pas tout le monde qui a les moyens de payer un abonnement Canal+ ou New World TV. Notre ambition était donc d’offrir à tous un contenu populaire, en mina, facile à consommer et gratuit sur les réseaux sociaux.
Après un sondage sur les réseaux sociaux qui nous a permis de jauger l’intérêt pour ce genre de projet, nous nous sommes lancées et avons sollicité, à travers une cagnotte, les Togolais et les amoureux du Togo pour financer à 100% ce projet.
Nous avons ensuite réfléchi toutes les deux à ce que nous souhaitions raconter : une histoire populaire inspirée d’une situation courante au Togo et dans la sous-région. Nous avons brainstormé pendant plusieurs jours avec d’autres volontaires sur le déroulé et la structure des épisodes, et j’ai continué seule sur l’écriture des 10 épisodes. C’est ainsi que Ahoé est né.
Vous attendiez vous à cet accueil du public ?
Nous savions que l’histoire allait plaire aux gens, mais l’engouement et la fierté autour de la série et des personnages sont au-delà de nos attentes. Entendre très souvent des togolais dire “je suis fier d’être togolais” après avoir regardé la série, est une belle récompense pour toute l’équipe d’Ahoé.
On y retrouve beaucoup de figures du monde culturel, comment avez-vous fait pour réussir à mobiliser tout ce beau monde autour du projet ?
Nous avons simplement choisi les talents qui correspondaient aux différents rôles, dont les doyens du théâtre et du cinéma. Ils ont cru en ce projet, en ont fait le leur et y ont mis tout leur cœur, acceptant de travailler gratuitement puisque nous n’avions pas récolté assez de fonds pour les payer.
Des difficultés dans la réalisation de ce projet ? Elles étaient essentiellement de quel ordre ?
Les difficultés étaient d’ordre financier (collecte des fonds), mais pas que. Elles étaient également au niveau des compétences (acteurs, techniciens, équipe de communication sur les réseaux sociaux, etc.). Il fallait que les personnes compétentes dont nous avions besoin pour ce projet acceptent de se joindre à nous et de travailler bénévolement. Ce n’est pas parce que c’est bénévole qu’il faut faire du mauvais travail. Et les personnes qui sont compétentes n’ont pas forcément les moyens de venir travailler gratuitement sur le projet. C’était donc compliqué à gérer.
Pour la partie post-production, c’était également difficile de trouver de la musique pour la série. Nous avions lancé un appel à contribution volontaire, mais sans grand succès. Toutes les difficultés étaient liées aux finances, en fin de compte.
On y retrouve des personnages aux traits atypiques faisant de la série un vrai chef d’œuvre, c’était évident dès le départ ?
Dès le départ, nous voulions des personnages intéressants et fascinants. Il est important que le public s’identifie aux personnages, d’une façon ou d’une autre, afin de pouvoir s’y attacher d’un point de vue émotionnel. Ce qui compte, c’est que le public comprenne le personnage, et pas nécessairement qu’il approuve ce qu’il fait. C’est donc sur ces bases que nous avons pris beaucoup de plaisir à imaginer les personnages qui sont aujourd’hui appréciés par les fans d’Ahoé.
De nouveaux projets à l’horizon ?
Je suis en constante création, et donc, il y a de nombreuses surprises en perspective.
Vous évoluez dans un domaine où on y trouve rarement des femmes qui percent dans nos pays. Quelles sont les qualités qu’une jeune fille qui rêve de faire comme vous doit-elle avoir ?
Je reçois beaucoup de messages de jeunes filles qui sont passionnées par le cinéma et veulent se lancer, mais elles ne peuvent pas dire avec précision ce qu’elles veulent faire dans le cinéma qui est un domaine très vaste et qui comprend plusieurs départements.
A ces jeunes filles, je dirais donc qu’il faut être curieux, il faut se documenter, s’informer, aller regarder comment les autres travaillent, et ne pas attendre qu’on vous donne l’information. Lisez des livres sur le sujet. Avec google et YouTube, il est également possible de faire des recherches pour voir exactement ce qui vous plaît dans le cinéma. Si vous voulez faire des films, regardez des films, et voyez comment ils sont fabriqués par des gens qui ont de l’expérience. Allez aux informations. Et une fois que vous savez ce que vous voulez faire exactement, faites-vous former.
Pour soutenir la web-série Ahoé : https://TuMetsCombien.com/Ahoewebserie T-money : 70 50 00 00 Flooz : 96 01 01 96
Interview réalisée par Ida Badjo