Rien ne présageait une carrière pareille pour elle. Du haut de ses 28 ans, Simone Fafa KEKE est une jeune femme courageuse et ambitieuse qui a osé défier ‘’les stéréotypes’’, en devenant la toute première capitaine dans la marine marchande au Togo bravant tous les obstacles. Ce sont des sentiments de fierté et d’accomplissement qu’elle témoigne au micro d’EkinaMag.
Du souhait d’un papa qui voulait que sa fille fasse une carrière militaire à la découverte au plus grand des hasards d’une belle opportunité pour concrétiser ce rêve, celle qui est la toute première femme capitaine de marine marchande au Togo a fait du chemin. Après un Bac scientifique obtenu avec brio à l’âge de 16 ans, Simone Fafa KEKE avait largement le choix d’accéder aux facultés et écoles tant convoitées de l’Université de Lomé. « Je ne voulais pas faire l’informatique, ni l’ESTBA encore moins l’ENSI. J’avais d’abord opté pour la Faculté de Médecine et de Pharmacie mais deux de mes frères étaient déjà médecins. Il me fallait trouver autre chose. J’ai alors choisi l’agroéconomie. Mon père, je le sentais, n’était pas vraiment heureux de mon choix. En cette période, une amie de mon frère venait régulièrement à la maison et chaque fois avec de nouvelles pièces. Son papa était dans la marine marchande, j’ai toute de suite conclue qu’il y avait donc de l’argent dans ce domaine et je me suis mise à faire des recherches sur ce métier. J’ai fait une demande de bourse à l’Académie sous régionale des sciences et techniques de la mer d’Abidjan qui a été acceptée et tout est parti de là » raconte-t-elle.
Sans vraiment savoir ce qui l’attendait et sans avoir mis pied dans un navire auparavant, Simone Fafa KEKE part pour la Côte d’ivoire pour sa formation. Ainsi débuta la formation militaire suivie plus tard d’un cycle théorie et pratique afin d’apprêter physiquement les nouveaux candidats à l’éprouvante vie de marin. « Le parcours était fastidieux, ce n’était pas du tout facile. Des jours passés sans dormir, des exercices en plein harmattan tout mouillé. Il le fallait pour nous préparer à être aptes sur le terrain. Après 3 ans, j’ai eu un diplôme avec un prix d’excellence de Madame Dominique Ouattara, la première dame de la Côte d’ivoire. Une très belle expérience », témoigne-t-elle.
La vie en mer a ses réalités auxquelles Simone devrait apprendre à s’habituer. Elle rappelle ses débuts assez difficiles. « Ma première sortie en mer, confie-t-elle j’avais carrément vomi sur la chaussure d’un des pilotes à bord et c’était pareil la seconde fois. Et là je me suis dit que si on me l’avait imposé ce métier, j’allais prendre le premier avion pour rentrer et choisir une autre filière, mais j’ai pris seule la décision, je me devais de persévérer et en fin de compte cela a payé. Mon corps s’est finalement adapté et aujourd’hui ça va ».
Actuellement capitaine dans l’un des remorqueurs de la Golfe of Guinee Trading Company, la jeune femme se dit heureuse d’assumer cette lourde responsabilité qui consiste à diriger un navire avec un équipage soumis à ses ordres. La tâche est délicate et exige le maximum de confiance en soi. Un défi qu’elle a su relever ce qui lui permet d’exercer aujourd’hui en toute aisance. Elle raconte : « Au début, j’hésitais à porter la tenue de capitaine quand j’imagine toutes les responsabilités qu’elle incarne. Mais avec le temps, je me suis habituée et j’ai fini par m’approprier ce rôle. Je m’applique chaque jour pour être à la hauteur de ce galon que je porte ».
Parlant de ce qu’elle fait concrètement dans un navire, la jeune capitaine n’hésite pas à comparer le navire à une grande maison avec une boutique qui contient des articles à vendre. Les parents représentant le capitaine, son second, les enfants et les autres habitants étant les membres de l’équipage. « Cette maison a la particularité de se déplacer sur l’eau pour rejoindre des destinations afin de vendre les articles de sa boutique. Donc mon second et moi, comme tout parent, nous devons nous assurer que tout le monde va bien et que les marchandises sont toujours en bon état de commercialisation ».
Les difficultés ne manquent pas et les stéréotypes liés à la femme dans la société, elle doit les affronter parfois. Une femme dans la marine avec capitaine comme grade est une curiosité dans notre pays et certaines fois, elle doit faire face à des adversités : « quand je suis à bord, mon équipage, c’est exclusivement des hommes, le domaine maritime est considéré comme un domaine à forte influence masculine. Et pour certains de ces hommes, une femme à bord, cela porte malheur et de surcroît une femme capitaine. Pour eux, une femme ne peut pas commander un équipage alors que ma formation reçue consiste à diriger. Ce n’est pas toujours facile. Heureusement que de nos jours j’ai un équipage formidable, tout se passe bien ».
A ces jeunes filles qui tiennent à leur rêve, Simone Fafa KEKE recommande de persévérer et surtout d’écrire leur rêve pour ne jamais les perdre de vue et « surtout se projeter dans l’avenir et rêver grand car en rêvant petit, on atteint peu de choses ».
Emile AGBASSINOU