Étudiante en fin de cycle licence en agronomie à l’Université de Lomé, Ornella Didjaou TCHOUROU-NAPO combine passion pour l’art oratoire et expertise pour impulser un impact social durable. Lauréate du prix Kayi Dogbe pour l’excellence féminine 2024, un prix des joutes verbales francophones Togo et du troisième prix au West Africa Women Speakers Forum WAWS 2025, elle prône une vision d’un monde où l’agriculture durable et l’autonomisation des femmes sont au cœur du développement et œuvre pour inspirer et mobiliser les jeunes et les femmes à devenir des acteurs de changement positif. Lisez plutôt cette interview qu’elle a accordé à EkinaMag.
Veuillez-vous présenter à nos lecteurs
Je m’appelle Ornella Didjaou TCHOUROU-NAPO, j’ai 19 ans et je suis actuellement en fin de cycle licence en agronomie à l’Université de Lomé. En tant que présidente locale de l’IAAS-UL (Association Internationale des Étudiants en Agriculture et Sciences Connexes), je m’investis pleinement pour promouvoir l’agriculture et les sciences connexes auprès des jeunes.
Passionnée par l’agriculture, l’environnement et l’art oratoire, j’ai fait de ces domaines mes leviers pour créer un impact social. En 2024, j’ai eu l’honneur d’être lauréate du prix KAYI Dogbé pour l’excellence féminine, une reconnaissance qui reflète mon engagement en faveur de l’autonomisation des femmes et de la protection de l’environnement.
J’ai eu le privilège de coordonner des projets d’envergure, tels que la 2ᵉ édition du Festival Interscolaire pour l’Environnement (FISE), la première édition du Jeune Monde Vert (JEMOVE), ainsi que le projet ALEF (Atelier de Leadership et d’Entrepreneuriat Féminin). À travers ces initiatives, je cherche à inspirer et à mobiliser les jeunes, en particulier les femmes, à devenir des acteurs clés du développement durable.
Ma vision est celle d’un monde où l’agriculture durable et la protection de l’environnement sont des piliers fondamentaux du développement, et où les femmes jouent un rôle central. Je crois fermement en des solutions inclusives qui placent les jeunes et les femmes au cœur de la transformation sociale et économique.
Pourriez-vous nous parler de votre passion pour l’art oratoire et comment cela influence votre engagement social ?
L’art oratoire, pour moi, est cette alchimie où les mots se transforment en ponts, reliant les idées aux cœurs et les rêves à l’action. C’est une arme douce mais puissante, qui m’a permis de défendre des causes essentielles et de mobiliser des énergies autour de l’environnement et de l’autonomisation des femmes. Chaque discours est une opportunité de donner une voix à ceux qui n’en ont pas et de semer des graines de changement dans les esprits. Parler, ce n’est pas simplement convaincre, c’est éveiller, rassembler et inspirer à agir pour un avenir meilleur.
Quel impact pensez-vous que le prix Kayi Dogbe pour l’excellence féminine pourrait avoir sur votre parcours personnel et professionnel ?
Recevoir le Trophée Dr KAYI Dogbé pour l’Excellence Féminine est un immense honneur et une grande source de fierté. Avoir la marraine et le mentorat de Dr Kayi DOGBE, une figure emblématique de l’autonomisation des femmes, est une véritable inspiration. Je veux exprimer toute ma gratitude à la marraine et à l’ensemble du comité d’organisation, dirigé par M. Frédéric TSATSU, pour leur vision et leur soutien. Ce prix est plus qu’une reconnaissance de mon engagement, il représente un tremplin vers de nouvelles opportunités et une nouvelle phase de ma carrière. Grâce aux séjours, stages, découvertes dans un pays francophone, à la bourse, au mentorat d’un an par Dr Kayi DOGBE, et à tous les autres avantages, je suis prête à repousser mes limites et à continuer à inspirer et à mener des initiatives de changement positif dans ma communauté.
Etudiante en agronomie et passionnée par des questions liées à l’environnement, quelle est votre vision pour l’agriculture durable en Afrique et quelles actions menez-vous pour la concrétiser ?
Ma vision pour l’agriculture durable en Afrique est celle d’un secteur résilient, capable de nourrir les populations tout en respectant l’environnement. Je crois fermement que l’avenir de l’agriculture en Afrique repose sur l’intégration de techniques modernes qui maximisent les rendements tout en minimisant l’impact écologique. Pour concrétiser cette vision, je travaille à sensibiliser les communautés rurales aux pratiques agricoles durables, en leur montrant comment utiliser l’innovation pour améliorer la gestion des ressources naturelles, comme l’eau et les sols. Je m’efforce aussi de promouvoir des méthodes qui renforcent la résilience face aux changements climatiques, en encourageant l’utilisation de cultures adaptées et de systèmes de diversification agricole. Mon engagement consiste à tisser des ponts entre la tradition et l’innovation, pour garantir un avenir agricole où la productivité et la durabilité vont de pair.
Comment inspirez-vous d’autres jeunes femmes à s’engager dans des initiatives environnementales et agricoles ?
Inspirer les autres, surtout les jeunes femmes, passe par le partage de mon propre parcours et des défis que j’ai surmontés. Je crois fermement que chaque femme est capable d’être un leader dans son domaine, et je veux montrer par l’exemple que l’on peut transformer notre passion pour l’environnement en actions concrètes. Ce n’est pas toujours facile, des fois je me pose beaucoup de questions, mais au final, je réalise que chaque petite action compte. Mon engagement consiste à partager ces moments de doute pour encourager les autres à persévérer, à croire en elles-mêmes et à continuer à avancer malgré les obstacles. En inspirant par l’exemple, je veux montrer que chaque femme a la capacité de devenir un leader dans son domaine, peu importe les défis.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants intéressés par une carrière en agronomie et en sciences de l’environnement ?
Aux étudiants intéressés par l’agronomie, je leur dirai dans un premier temps de serrer leur ceinture, car ce n’est pas du tout facile. Ensuite comme conseil, je leur dirai d’être curieux et ouverts à l’apprentissage, car ces domaines évoluent rapidement. Qu’ils se forment aux nouvelles technologies et développent des solutions adaptées à leurs réalités locales. Enfin, je leur rappellerais l’importance de la passion, de l’engagement pour transformer leurs idées en actions concrètes, et c’est cette passion-là qui sera leur moteur en temps de doute.
Quelles sont vos ambitions futures, tant sur le plan académique que professionnel ?
À l’image de ma marraine, Dr Kayi DOGBE, qui m’inspire par son parcours exceptionnel, mon ambition future est d’approfondir mes connaissances en pyrotechnie, plus spécialement en phytopathologie. Je souhaite poursuivre mes études jusqu’au doctorat, car je crois que c’est ainsi que je pourrai véritablement contribuer à la recherche et au développement de solutions durables pour l’agriculture. Je veux également intégrer mon expertise en art oratoire pour sensibiliser les communautés, partager mes découvertes et inspirer les autres à s’engager dans des initiatives agricoles et environnementales. Mon objectif est de devenir un expert reconnu, capable de proposer des innovations qui répondent aux défis contemporains de notre environnement tout en étant une voix inspirante pour la transformation agricole en Afrique et au-delà.
Vous êtes la présidente locale de l’Association Internationale des Etudiants en Agriculture et Sciences connexes (IAAS-UL). Comment êtes-vous parvenue à ce poste et quelles sont vos responsabilités dans ce rôle ?
Mon parcours au sein de l’IAAS-UL a commencé avec ma participation active aux activités associatives il y a 2 ans. J’étais motivée par le désir d’apprendre et de me faire de nouvelles expériences ainsi je me suis jetée à l’eau et j’ai été élue présidente locale grâce surtout à ma capacité à persuader et à fédérer les membres autour d’objectifs communs.
Dans ce rôle, je coordonne les projets de l’association, supervise les sept départements et veille à promouvoir l’agriculture et les sciences connexes auprès des étudiants, tout en établissant des partenariats stratégiques pour maximiser notre impact, avec l’appui de mes sept Vice-présidents.
Parlez-nous de vos plus grandes réussites
Mes plus grandes réussites incluent l’organisation d’activités impactantes, comme des formations en leadership et des campagnes de reboisement, qui ont touché de nombreuses vies. Ma principale fierté dans ce sens a été d’avoir pu rallier à ma cause environnementale les enfants, acteurs principaux du futur. Le principal défi a été d’une part la combinaison de ma vie associative à mes différents concours et surtout à mes études, et d’autres parts de mobiliser les ressources nécessaires pour réaliser nos ambitions. Mais chaque obstacle surmonté m’a appris l’importance de la persévérance et de la collaboration, car tout seul on va vite mais ensemble on va loin.
Vous semblez vivre votre rêve en faisant des études en agronomie ?
Depuis mon enfance, une question me revenait souvent : pourquoi protégeons-nous les animaux en tant qu’êtres vivants, mais ignorons-nous les plantes, qui le sont tout autant ? Cette réflexion a nourri mon intérêt pour le monde végétal, en particulier pour les maladies des plantes. Je voulais comprendre ces êtres essentiels, si discrets et pourtant si vitaux, pour leur offrir les soins qu’ils méritent. C’est ainsi que je me suis tournée vers la phytotechnie, avec la volonté de contribuer à une agriculture plus saine et respectueuse de la vie sous toutes ses formes.
Vous avez récemment raflé le troisième prix au West Africa Women Speakers Forum WAWS 2025. Parlez-nous de ce concours et votre ressenti en remportant cette place ?
Le West Africa Women Speakers (WAWS) est une compétition régionale d’art oratoire qui célèbre l’éloquence féminine et le leadership des jeunes filles en Afrique de l’Ouest. L’édition 2025 a réuni au départ 130 jeunes filles issues de plusieurs pays de la sous-région.
Après une première phase de présélection, 4 candidates par pays ont été retenues pour poursuivre l’aventure. Toutes les étapes, des présélections aux demi-finales, se sont déroulées en ligne, avec des épreuves qui ont permis de départager les participantes à chaque niveau.
À l’issue des quarts de finale, 2 candidates par pays ont accédé aux demi-finales, avant que la compétition ne consacre une seule représentante par pays pour la grande finale. C’est ainsi que le 22 février 2025, les finalistes se sont enfin retrouvées à Ouagadougou, au Burkina Faso, pour la dernière étape de ce parcours, symbole d’audace, de résilience et d’excellence féminine.
Recevoir le prix de la 3ᵉ meilleure oratrice du West Africa Women Speakers Forum (WAWS) à Ouagadougou est bien plus qu’une récompense. C’est l’écho vibrant de mon engagement, la confirmation que chaque mot prononcé avec passion peut faire bouger les lignes.
Je suis fière d’avoir dignement représenté mon pays, le Togo 🇹🇬, et d’inscrire mon nom parmi ces voix féminines qui osent porter haut les aspirations de tout un continent.
Mais ce prix n’est pas un aboutissement, il est une invitation à aller encore plus loin. Car l’art oratoire est une école sans fin, où l’on apprend à chaque discours, à chaque silence, à chaque regard. Je suis plus que jamais déterminée à me perfectionner, à apprendre, à inspirer et à relever de nouveaux défis.
L’aventure ne fait que commencer…
Interview réalisée par Emile AGBASSINOU