Auteure prolifique et figure féminine de proue de la littérature togolaise, Alexa KEAS, de son vrai nom Essi Klenam Sandra AMABLEY, incarne la passion et l’engagement littéraire. Avec plus de dix ans de carrière, une trentaine d’ouvrages publiés et plusieurs distinctions, elle use de sa plume pour explorer les relations humaines, dénoncer les injustices et mettre en lumière la résilience des femmes. Dans cette interview, elle partage son parcours, ses inspirations et ses ambitions, tout en offrant des conseils précieux à la relève littéraire.
Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs et lectrices ?
Bonjour ! Je suis Alexa KEAS, auteure romancière et scénariste togolaise. À l’état civil, je m’appelle Essi Klenam Sandra AMABLEY. Avec 10 ans de carrière littéraire, j’ai eu la chance de publier une trentaine d’ouvrages, principalement autoédités en ligne, et de remporter quatre prix littéraires au Togo et à l’international. Entre autres œuvres, que j’ai écrit, on peut citer : ‘’L’enfant illégitime’’, ‘’ Le choix de l’amour’’, ‘’ A la conquête du cœur de Noah’’, ‘’ La veuve des nuits de noces’’ ; ‘’La Bonne’’ Tome 1 et 2 ; ‘’Vengeance en mode serial lover’’ Tome 1 et 2 ; ‘’Sexy Evasion’’ ; ‘’Septième ciel’’ ; ‘’ Infidèle’’, ‘’ Ma mère était une prostituée’’…
Racontez-nous vos débuts en tant qu’écrivaine et ce qui vous a poussé à choisir cette voie ?
Depuis mon plus jeune âge, la lecture a été mon refuge. Je me perdais dans les pages des livres et laissais mon imagination s’envoler. Avec le temps, ces histoires que je portais en moi ont commencé à s’imposer, comme si elles demandaient à être écrites. Écrire est devenu pour moi un exutoire, un moyen de donner vie à mes émotions et à mes idées.
Comment décririez-vous votre évolution littéraire depuis vos premiers écrits jusqu’à aujourd’hui ?
Mon style d’écriture a beaucoup évolué et j’en suis fière. Chaque livre est le résultat d’un apprentissage continu, d’un travail acharné pour mieux capter les émotions, affiner les intrigues et offrir une expérience unique à mes lecteurs.
Quels auteurs ou événements ont influencé votre passion pour la littérature ?
Ma passion pour la littérature est née dès que j’ai appris à lire. Enfant, je dévorais tout ce qui me tombait sous la main, revues, bandes dessinées, romans d’école… Des auteurs comme Abdoulaye Sadji, Bernard Dadié, Jacques Prévert, Bernard Werber, Gérard de Villiers, Théo Ananissoh, Kangni Alem et d’autres encore ont nourri mon imaginaire. Mais plus que tout, ce sont les histoires elles-mêmes et l’évasion qu’elles procurent qui m’ont poussées à écrire.
Quels sont les principaux thèmes qui traversent vos œuvres ?
Je parle souvent des relations humaines, qu’elles soient amoureuses, familiales ou amicales et j’aborde des thématiques comme la tolérance, le pardon, la justice et surtout l’amour avec un grand « A ». Mes livres évoquent également des questions de résilience et dénoncent les abus que subissent les femmes, en mettant en lumière leur force et leur courage face aux injustices de la vie et de la société.
Avez-vous une méthode particulière de travail pour l’écriture d’un roman ou d’une nouvelle qui vous rend si prolifique ?
Pour moi, la passion est la clé. Pendant une période de ma vie, je ne faisais qu’écrire. Je vivais littéralement dans mes histoires. Cela demande de la discipline, mais quand on aime ce que l’on fait, les mots viennent naturellement.
Parmi vos livres, lequel vous tient le plus à cœur, et pourquoi ?
Ils me tiennent tous à cœur car dans chacun d’eux, je laisse une part de moi.
Quels souvenirs gardez-vous de votre participation à l’écriture des séries télévisées togolaises comme Hospital IT ?
Je garde de très agréables souvenirs de cette expérience. J’ai adoré me faire former à l’écriture du scénario. Aussi, travailler en équipe m’a appris de nouvelles méthodes d’écriture, et voir mes idées prendre vie sur le plateau de tournage était tout simplement magique. C’était fascinant.
Vos projets futurs en tant qu’écrivaine et scénariste ?
Je rêve de voir mes ouvrages adaptés au cinéma, écrire des best-sellers qui traverseront les frontières, et décrocher des prix littéraires prestigieux. Pour l’instant, je travaille sur des projets qui, je l’espère, toucheront un public encore plus large.
Comment percevez-vous la place des écrivaines dans le paysage littéraire togolais et africain ?
Les écrivaines togolaises ont un immense potentiel, mais elles manquent de visibilité, aussi bien sur le plan national qu’international. Nous avons des talents incroyables qui méritent d’être mis en lumière et dont les ouvrages doivent être à la portée du peuple. Je profite de cette occasion pour inviter les autorités et les acteurs culturels à soutenir cette cause en créant des opportunités. Nous avons besoin des prix littéraires au Togo, des fonds de mobilité, ou encore des événements littéraires de grandes envergures pour célébrer nos talents et inspirer la relève.
Vous avez une particularité. Une présence active en ligne. Ce choix est-il lié à une raison particulière ?
Être présente en ligne pour promouvoir mes œuvres est une nécessité dictée par mon mode de publication. En tant qu’auteure principalement autoéditée, je ne bénéficie pas de la machine promotionnelle des maisons d’édition traditionnelles. C’est donc à moi de faire découvrir mes livres, d’attirer les lecteurs et de créer une relation de proximité avec eux.
Concrètement, ma présence en ligne se traduit par une interaction régulière avec ma communauté sur mes différents réseaux sociaux. J’y partage des extraits de mes romans, des anecdotes sur mon processus d’écriture, des réflexions littéraires et parfois des aspects plus personnels de mon parcours.
J’utilise principalement Facebook avec ma page » L’instant d’une évasion by Alexa KEAS ». Je suis aussi présente sur Instagram (Alexa KEAS) sans y être trop active et sur TikTok (Confidences avec Alexa KEAS) où je recueille, écris et publie des témoignages vivants. J’ai également un numéro WhatsApp afin d’échanger plus directement avec mes lecteurs intéressés par l’achat de mes œuvres (+22891541780).
L’écriture nourrit-elle son homme au Togo ?
Non, malheureusement. Vivre de sa plume au Togo reste un défi, mais avec une stratégie bien pensée appuyée par nos dirigeants, on peut trouver des solutions pour avancer.
Beaucoup de distinctions à votre actif dont le récent prix de la meilleure plume togolaise au féminin, que représentent pour vous ces marques de reconnaissance ?
En effet, mon travail a été récompensé par quatre prix littéraires. Prix du Roman de la Journée du Manuscrit Francophone, France 2018 ; Premier Prix du concours de Nouvelles Touthème-Dakar 2021 avec ‘’ Ma mère était une prostituée ; Prix Awoudy- Togo 2021 avec ‘’La veuve des nuits de noces ‘’ et tout récemment Meilleure Plume au Féminin 2024- JCLA Togo avec Piégée 1 et 2.
Ces reconnaissances me remplissent de fierté. Elles me confirment que mon travail a un impact et elles me motivent à continuer à contribuer au rayonnement de la littérature togolaise et africaine.
Le public togolais est-il bon lecteur ?
Je crois que l’envie de lire est là, mais les moyens ne suivent pas toujours. Beaucoup de personnes souhaitent lire davantage, mais le coût des livres reste un frein pour une large partie du public.
Quels conseils donneriez-vous à ces jeunes filles pour qui vous constituez certainement un modèle ?
Si j’avais un conseil à donner aux jeunes filles, ce serait de gérer intelligemment leur temps. Il est essentiel de limiter les distractions et de se concentrer sur leurs études ou leur formation, afin de bâtir leur indépendance financière. Mais je leur dirai aussi que l’école n’est pas l’unique chemin vers la réussite. Elle apporte des connaissances de base, mais les vraies compétences se développent sur le terrain, dans la pratique. Elles gagneraient donc à profiter des vacances scolaires pour apprendre un métier artisanal ou se former à d’autres activités qui pourraient leur ouvrir des portes. Je leur rappellerai que leur plus grand ennemi n’est pas le monde extérieur, mais bien leur propre peur. L’échec ne doit jamais être perçu comme une fin, mais comme une opportunité d’apprendre et de rebondir. Enfin, je leur dirai que l’amour est une belle chose. Elles ont le droit d’aimer et d’être aimées, mais jamais au détriment de leurs ambitions. Un homme qui cherche à les éloigner de leurs rêves est à fuir comme la peste. Et lorsqu’il sera temps de choisir un partenaire, qu’elles privilégient un homme qui les aime plus qu’elles ne l’aiment, en gardant toujours en tête que le respect mutuel est le pilier d’une relation équilibrée. Et pour celles qui aiment particulièrement l’écriture, foncez ! lisez beaucoup, écrivez chaque jour, et soyez ouvertes aux critiques constructives. N’ayez pas peur d’apprendre des aînés et de faire preuve d’humilité. L’écriture est un chemin exigeant mais immensément gratifiant.
Interview réalisée par Emile AGBASSINOU