Présidente du conseil d’administration de la fondation SEPHIS, Sefora KODJO se distingue par un travail remarquable dans l’accompagnement des femmes. Formée dans des instituts et universités hautement renommés, cette jeune femme qui a renoncé à ses fonctions assez prestigieuses pour se consacrer à sa passion, a su exporter le savoir-faire de son organisation dans plusieurs pays africains dont le TOGO. Créée en 2009 en Côte d’ivoire, SEPHIS œuvre essentiellement pour l’amélioration des conditions de vie sociale et économique de la femme à travers des formations en gestion et planification des activités économiques et l’aide à l’octroi de prêts. Lisez plutôt :
Pourriez-vous nous parler brièvement de votre parcours ?
Je dirais que j’ai eu un parcours assez atypique. Tout a commencé en 2009, lorsque j’ai créé SEPHIS en tant qu’association. On était encore très jeune et on portait un intérêt particulier à tout ce qui est lié au leadership féminin. Le succès était déjà au rendez-vous puisqu’à l’époque, une pareille thématique n’était pas autant abordée. Après, j’ai travaillé dans l’administration au Ministère de la jeunesse et de l’emploi des jeunes en Côte d’Ivoire, en tant que chargée d’études. Je travaillais en cabinet pour apporter des idées au Ministre en vue d’un meilleur accompagnement aux organisations des jeunes.
Par la suite, je me suis retrouvée au Ministère de la communication et des médias, j’ai été Directrice en charge du bureau du porte-parole du gouvernement pour finalement être nommée conseillère technique. Dans la foulée, j’ai rendu ma démission sans regrets. Mon engagement pour les activités de SEPHIS que je faisais prenait de l’ampleur et j’avais envie de m’y consacrer en plein temps. Et finalement cela a payé parce que SEPHIS est devenu ce que vous connaissez aujourd’hui.
Depuis 2015, on a commencé à travailler dans différents pays dont le Togo. Je dirai que mon parcours entrepreneurial a été également semé d’un long parcours de formation et cela a été une composante majeure dans la qualité des résultats que nous apportons de nos jours.
Très tôt, je me suis rendue compte de l’importance de la mixité des compétences, il fallait être compétitive dans l’espace francophone et au-delà. J’ai été à Londres pour me former en Anglais. Sélectionnée par le programme du Président américain OBAMA, je me suis retrouvée à New York où j’ai suivi des formations complémentaires. Ensuite, j’ai été au Pays bas à l’institut Clingendael, réputée et reconnue en matière de négociation pour me renforcer. Ma dernière formation remonte à l’année passée. J’ai aujourd’hui un Bachelor en administration des affaires, un Master en études et développement et j’ai fait plusieurs spécialisations et certifications notamment la dernière avec l’Université de Harvard sur la gestion stratégique des projets. Voilà un peu résumé mon parcours.
Présentez à nos lecteurs la Fondation SEPHIS
SEPHIS est une organisation internationale qui travaille sur les questions liées à l’autonomisation des femmes et des jeunes à travers des outils bien spécifiques dont la formation, l’assistance technique et l’accès au financement. Nous arrivons à structurer au mieux les entrepreneurs et leur attractivité, à accroître leur potentiel et leur donner accès à des ressources nouvelles notamment l’accès aux partenaires de croissance à travers des prêts bancaires et l’accès aux marchés.
Nous nous présentons aujourd’hui comme une institution qui vient avec des formations. Nous sommes un appui technique pour soit des activités étatiques, soit pour des objectifs à atteindre dans le monde du développement puisque nous avons des outils et des solutions que nous mettons à la disposition des différents acteurs d’importance pour pouvoir atteindre des objectifs tels que la création d’emploi et l’ entrée en émergence des entrepreneurs.
Je travaille avec SEPHIS dans plusieurs pays africains, notre siège est en Côte d’ivoire mais nous avons une filiale au Sénégal, au Togo, en Mauritanie Burkina Faso, au Mali en France et au Canada. Nous avons un système que nous appelons « ambassadrices » parce que ce sont des dames qui représentent la vision de tout ce qu’on fait et qui arrivent à être nos points focaux sur le terrain.
Nous n’avons pas la prétention de penser que nous sommes l’outil qui viendra changer tout le système mais nous avons des outils gagnants que le système pourra utiliser dans sa stratégie d’évolution. Il faut nous percevoir comme un centre de formation, un cabinet, un appui technique. Ce que nous savons faire aussi, c’est de venir avec des partenaires financiers et des partenaires techniques pour pouvoir apporter des solutions de bout en bout.
Dans la mise en œuvre des programmes, parfois, on a les idées mais on n’a pas de partenaires ou on a des partenaires sur la formation mais on n’a pas des partenaires sur le financement de nos bénéficiaires.
SEPHIS aujourd’hui, c’est plus de 200 PME (Petites et Moyennes Entreprises) dirigées par des femmes, 2 milliards de francs cfa mobilisés en ligne de crédits ou prêts de banque. SEPHIS aujourd’hui, c’est la participation à la mobilisation des ressources importantes pour mettre des garanties importantes en préavis à des lignes de crédits que nous avons soulevé d’un peu partout. SEPHIS aujourd’hui, c’est une communauté de plus de 500 volontaires partout dans le monde. SEPHIS aujourd’hui, c’est au minimum 72 PME que nous accélérons par an pilotées par des femmes qui ont une unité de production que nous soutenons.
Comment sont choisies les bénéficiaires de vos programmes ?
Pour bénéficier de nos programmes, il faut se soumettre aux conditions préalables et en fonction des pays et des zones d’action, nous avons des critères bien spécifiques. Tout dépend également du programme que nous mettons en œuvre. Les critères pour les femmes en milieu rural ne sont pas les mêmes quand il s’agit de pépites d’entreprises à un niveau plus élevé. On travaille beaucoup sur les moyens pour en faire des grands et pour ce faire, il faut une stratégie structurante. C’est à ce niveau que nous intervenons. Il faut surtout suivre nos plateformes et pouvoir se soumettre aux conditions préalables.
En voyage à Lomé, parlez-nous de votre séjour ?
Je peux dire que mon séjour à Lomé s’est très bien déroulé . J’ai participé à la conférence internationale de Lomé sur le financement, mise en œuvre par le cabinet Ayeva que je salue pour cette belle initiative. J’ai vu des panélistes hautement de qualité et j’ai rencontré de monde et plein d’entrepreneurs. Nous avons partagé de bonnes pratiques qui sont très riches pour la mise en œuvre de nos différentes stratégies. Tout cela m’a permis de mieux comprendre l’écosystème entrepreneurial du Togo. Les outils sont toujours les mêmes, il faut juste les adapter et au mieux.
Quelles sont, selon vous, les clés de l’entreprenariat féminin ?
En mon sens, les clés de l’entreprenariat féminin résident dans la conception que l’on se fait de l’entreprenariat parce que pour moi, l’entreprenariat avant tout c’est de pouvoir vivre de sa passion. Je pense qu’il ne s’agit pas juste de créer des activités économiques, mais de mettre en place un écosystème, positionner un service ou un produit de façon forte et durable. Il faut une bonne conception dès le départ et se poser les bonnes questions. Pourquoi je voudrais entreprendre car il y a tellement de défis dans l’entreprenariat qu’il faut un minimum de goût et de sacrifice. Comme je le disais quelques jours à des jeunes entrepreneurs togolais, dans le sacrifice, il y a du goût. Quand on dit le goût du sacrifice, c’est parce qu’au début, il n’y a rien mais après c’est très sucré. Il faut également être très déterminé et aller à la recherche. Tous les entrepreneurs à succès vous le diront, rien ne vient à nous, il faut aller chercher, tous les jours. Finalement, tu finis moins déçu puisque tu n’entends rien du système, rien de personne, tu n’entends que de toi. Chaque entrepreneur devrait regarder à l’intérieur de lui ou d’elle-même pour trouver des raisons valables pour donner force à ses activités. Tu sais aller à la recherche de tes opportunités et pour cela, il faut de l’audace pour faire bouger les lignes.
Parlez-nous de quelques difficultés que vous avez rencontrées
Comme tout entrepreneur, j’ai rencontré des défis. J’en rencontre d’ailleurs toujours. Au départ, c’était la question de mon âge. Je suis relativement jeune et beaucoup considéraient que je fais des choses qui ne sont pas de mon âge. Les jeunes disaient pourquoi elle est tout le temps avec des gens âgés donc on me remettait dans la catégorie des vieux et de l’autre côté, les plus âgés me mettaient dans la catégorie des jeunes. Je suis donc souvent pris entre ces deux mondes. Il y avait donc cette question de légitimité et de crédibilité mais au fur et à mesure, j’ai avancé mes résultats pour prouver que j’étais à la hauteur. Quand vous commencez, les gens ont besoin d’avoir confiance et la confiance en réalité elle se créée, elle ne se donne pas ainsi.
Notre magazine étant dédié aux femmes et aux jeunes filles, avez-vous un message à leur adresser ?
Je dirai à toutes les femmes et à toutes les jeunes filles de s’armer de courage. Plus les années passent, plus le chemin semble plus compétitif en tout cas dans le monde entrepreneurial. Je leur dirai aussi d’aimer la qualité parce que quand on fait les choses sans rigueur, sans excellence, on ne se démarque pas et quand on ne se démarque pas, on a de la peine à décoller. Quand on vient avec une contribution de marque, il faut aimer la qualité et la qualité vient avec la formation, la qualité vient avec l’ouverture d’esprit et notre capacité à changer les choses.
Interview réalisée par Hélène DOUBIDJI