Halʋ sɩsɩŋ nɩʋ (douleurs de femme en kabyè), c’est le titre donné à une exposition photographique qui se tient à l’Institut Français du Togo du 25 Novembre au 10 Décembre 2022. L’exposante, la jeune femme photographe Lina Mensah, dénonce à travers la photographie les violences faites aux femmes, afin d’amener à un changement de mentalité.
Au total quinze (15) photos sont exposées par Lina Mensah. Les œuvres parlent entre autres du viol, du mariage forcé, des tabous liés aux menstruations, des pressions sociales sur la femme… bref tout type de violence et d’injustice à l’égard des femmes à savoir des violences morales, psychologiques, physiques etc.
« À travers cette série de photos, je lève le voile sur les violences au féminin, dont celles que j’ai subi. Je révèle également des secrets, ceux de mes sœurs de cœur, ces femmes qui spontanément m’ont ouvert leurs cœurs meurtris grâce à ce projet. Certaines femmes s’y reconnaîtront, d’autres y verront peut-être des bribes de témoignages qui pourraient être les leurs, ou ceux de leurs aînées », explique la photographe.
Pour son exposition, Lina Mensah a choisi comme point de départ l’illustration en autoportrait des scènes de violences de son enfance, qui lui sont revenues en mémoire. Des clichés personnels, auxquels elle associe des clichés d’autres femmes via des techniques de collages ou de double exposition. Et ce, dans le but de mettre en lumière plusieurs voix pour évoquer les violences passées sous silence, dans nos sociétés africaines patriarcales.
Un échantillon des photos exposées
Selon Komlan Daniel AGBENONWOSSI, Commissaire d’exposition, « il le faut maintenant, même si le contexte socio-culturel togolais ne s’y prête guère, même si certaines problématiques sont toujours taboues et intouchables, il le faut. Il faut continuer à parler de la femme avec ce que ça implique d’être femme. »
Flash Joy, artiste danseur contemporain, présent au vernissage de l’exposition apprécie les œuvres de la photographe. « Je dirai que cette thématique est très bien traitée par la photographe. Questionner sur les douleurs des femmes, c’est bien de poser un regard sur cela. J’ai aimé l’exposition, surtout les aspects abordés dont le mariage forcé qui oblige les filles à abandonner l’école. J’ai encore aimé plus une photo sur laquelle, on voit la femme assise au milieu des assiettes sales, marmites, cahiers… alors qu’il y des hommes qui ont mangé dans ces assiettes-là. Ce tableau (ci dessous) m’a choqué mais c’est exactement ce qui se passe dans nos maisons où on pense que c’est la femme qui doit tout faire », commente-t-il.
Cette exposition constitue également pour Lina Mensah, une occasion de répondre à ceux qui pensent qu’une femme ne peut pas être photographe. « Beaucoup disent que la photographie n’est pas un métier pour une femme et que les impératifs liés à mon genre auront bientôt raison de ma passion. C’est donc quelque part, l’envie de répondre à cette affirmation qui a fait naitre cette collection photographique », affirme la jeune photographe qui dédie son travail « à toutes celles qui n’ont pas encore eu le courage de parler, et à celles qui ne le feront plus jamais ou qui le font peut être depuis l’au-delà ».
Par ailleurs, il faut souligner que l’exposition halʋ sɩsɩŋ nɩʋ (douleurs de femmes) est couplée d’une exposition itinérante « Mot et maux de femmes ».
Fille ainée d’un couple de photographe soixantenaire, Lina Mensah, 27 ans, lauréate des Oscars de la photographie 2022 embrasse corps et âme le métier de la photographie qui « l’a choisie » comme elle le dit.
Hélène DOUBIDJI