Pour stimuler l’intérêt des filles pour les mathématiques, considérées, à tort, austères pour la gente féminine, l’Association Togolaise pour la Promotion des Mathématiques au Secondaire (ATMPS) organise depuis une dizaine d’années ‘’les Olympiades Togolaises des Mathématiques et Miss Mathématiques’’. Une initiative avec des retombées très positives pour les établissements et les participants. A l’occasion de la journée internationale des femmes en mathématiques, célébrée chaque 12 Mai, EkinaMag s’est entretenu avec l’initiatrice de l’évènement, Dédé Folly-Gbetoula, professeure de mathématiques.
Présentez-vous à nos lecteurs
Je suis Dédé Folly-Gbetoula, présidente de l’Association Togolaise pour la Promotion des Mathématiques au Secondaire(ATMPS), initiatrice et promotrice des Olympiades Togolaises de Mathématiques et Miss Mathématiques.
« Les olympiades togolaises des Mathématiques et Miss Mathématiques », quels sont les objectifs visés ?
L’objectif de ces concours est de promouvoir les mathématiques auprès des jeunes filles en particulier et des jeunes en général. Il est aussi question de valoriser l’intelligence et la créativité des élèves et renforcer leur goût pour les mathématiques.
Ces concours permettent également aux établissements de mesurer leurs niveaux par rapport aux autres établissements et aux élèves de connaître leurs niveaux par rapport aux autres. Ils aident les élèves à se familiariser avec les exercices des olympiades depuis le bas âge et les basses classes et les former ainsi aux olympiades panafricaines et internationales des Mathématiques.
Comment se déroulent les concours ?
Les concours s’organisent en deux tours. Le premier tour permet de sélectionner les cent (100) meilleurs et le second tour permet de sélectionner les dix (10) meilleurs. Les concours se déroulent de CE1 en Terminale. En ce qui concerne les filles, elles sont doublement primées. Quand un candidat est parmi les 10 meilleurs du Togo, garçons comme filles, il est primé. Mais lorsqu’il s’agit d’une fille, elle est primée une deuxième fois. Par contre les garçons sont primés une seule fois. Les filles qui travaillent très bien au lycée sont couronnées Miss et Dauphines Mathématiques.
Pensez-vous que cet évènement après tant d’années d’organisation ait contribué à promouvoir les mathématiques auprès des élèves en général et des filles en particulier ?
Oui, ces concours ont fait leurs preuves. Après quelques années d’organisation, nous avons lutté pour que le Togo participe aux olympiades panafricaines. En plus, nous avons constaté que les établissements où s’organisent régulièrement ces concours, les élèves en général s’intéressent aux mathématiques et les filles en particulier réussissent mieux en mathématiques. Avec l’arrêt dû au COVID, les effets négatifs se sont fait sentir. Bref, ces concours ont contribué à promouvoir les mathématiques près des élèves et des filles.
Selon vous, est-ce que les filles ont «peu d’intérêt » pour les mathématiques?
Le constat est que la société n’encourage pas les filles à s’intéresser aux mathématiques. Mais dire que les filles ont peu d’intérêt pour les mathématiques dans notre pays n’est pas évident puisque d’après une étude que nous avons réalisé dans les séries A, C et D, les données montrent que les filles qui sont en série A réussissent mieux les mathématiques que les garçons qui sont en série A. Par contre lorsque nous prenons la série C, les garçons travaillent plus en mathématiques que les filles et en série D, il n’y a pas un grand écart entre les filles et les garçons.
Comme souligné plus haut, c’est la société qui n’encourage pas les filles à s’intéresser aux mathématiques. Il y a des stéréotypes véhiculés qui font que certaines filles ont peur de choisir les mathématiques. Par exemple, elles ont la crainte de ne pas pouvoir trouver un mari plus tard. Puis que de façon générale, on dit souvent que les femmes qui font de longues études ne trouvent pas de maris.Du coup, c’est difficile pour certaines filles de poursuivre des études poussées en mathématiques.
Il faut également relever qu’il y a peu de modèles de femmes en mathématiques au Togo, ce qui n’encourage pas certaines filles à embrasser le domaine.
Que faut-il réellement faire pour encourager les filles à s’intéresser aux mathématiques ?
Nous pensons que le gouvernement et les partenaires doivent investir et mettre les moyens dans les projets de promotion des femmes et des filles en mathématiques. On parle souvent de promotion des filles dans les séries scientifiques mais quels sont les moyens qui sont mis à la disposition des activités et projets de promotion des femmes dans ces domaines ?
Au sein de la société, les parents aussi ont un grand rôle à jouer.
Le 12 Mai de chaque année est consacré à la journée internationale des femmes en mathématiques. Menez-vous également des actions au cours de cette journée ?
La journée internationale des femmes en mathématiques célébrée le 12 Mai, date anniversaire de la première et seule femme à son époque à obtenir la médaille de Fields (l’une des plus prestigieuses récompenses en mathématiques) est une initiative louable. L’institution de cette journée est récente et à notre niveau, nous ferons des initiatives en ce sens pour les éditions prochaines.
Parlez-nous des difficultés que vous rencontrez souvent
Depuis le début de cette initiative en 2011, nous rencontrons plusieurs difficultés que nous essayons de toujours surmonter. La première est d’ordre financier. Nous n’avons pas de partenaires qui accompagnent l’évènement. Nous avons envie de faire honneur à la gente féminine mais nous sommes seuls et obligés de mettre nos revenus personnels dans l’organisation de ces concours.
La seconde, ce sont les tentatives de récupération du projet. Les difficultés sont omniprésentes, nous nous adaptons, nous essayons de contourner ces difficultés afin que la promotion des mathématiques soit effective dans notre pays pour permettre aux jeunes filles et aux femmes de faire partie des élites en mathématiques.
Un conseil aux filles qui choisissent de faire les mathématiques malgré les stéréotypes
Pour réussir les mathématiques, il faut s’investir, il faut s’y accrocher et être persévérant. Je les invite donc à se battre pour faire la différence.
Réalisée par Seyram Kossivi