La définition simple de la contraception, les différentes méthodes contraceptives qui existent au Togo, les avantages liées à l’utilisation de ces méthodes, leurs effets secondaires, les dangers de la prise abusive de la pilule du lendemain par les jeunes filles… Dr. Hodalo Prisca Talboussouma, médecin généraliste, dit tout sur la contraception dans cette interview accordée à Ekinamag. Elle est médecin cheffe de la commune Golfe 4 et responsable du centre de santé d’Amoutivé. Lecture !
Chaque 26 Septembre est célébrée la journée internationale de la contraception.
Qu’est-ce qu’une contraception et quels sont les différentes méthodes contraceptives qui existent au Togo?
Pour faciliter la compréhension, disons juste qu’une contraception, c’est l’espacement des naissances. Ce sont en effet des méthodes qui amènent à ce qu’on puisse mettre de l’espace entre les naissances c’est à dire : quand je fais un enfant aujourd’hui, je me laisse un temps, en tant que femme pour me reposer, laisser les organes se reconstituer, récupérer toutes les énergies dépensées pour me préparer à une nouvelle grossesse. En ce temps-là, pour ne pas tomber enceinte, il me fallait une méthode contraceptive.
Il existe les contraceptifs injectables, les implants, les contraceptifs hormonaux etc. Il y en a à courte durée et à longue durée. Le choix de la méthode dépend de chaque femme, en fonction de ses caractéristiques, son organisme et ses antécédents.
Les méthodes contraceptives sont-elles une affaire uniquement des femmes ?
Ça concerne tout le monde, toute la famille. Et dans la famille, il y a papa, maman et même les enfants. Par exemple, en tant que femme au foyer, si j’aimerais espacer les naissances; j’en discute avec mon mari, nous pouvons ensemble aller à l’hôpital pour choisir et adopter une méthode. Et souvent, quand les naissances sont espacées, on laisse l’enfant grandir, on lui consacre plus de temps et on prend bien soin de lui, avant de pouvoir encore faire un autre enfant. Même les jeunes filles également sont concernées. Elles doivent se protéger pour avoir le temps de réaliser leur projet ou d’avancer dans leurs études.
Vous avez effleuré ma question, parlez-nous amplement des avantages de l’utilisation des méthodes contraceptives ?
Au niveau de la femme, les avantages qu’elle pourrait avoir, c’est d’avoir du temps pour récupérer après une naissance. On sous-estime toute la dépense énergétique, toute la fatigue qui s’accumule après une naissance. D’abord, il y a la grossesse qu’il faut supporter les 9 mois, après la naissance, les gardes, les nuits où l’enfant ne dort pas et la maman doit veiller. Accumuler tout cela jusqu’à ce que l’enfant n’ait 2 ou 3 ans sans récupérer, ce n’est pas bien. Donc la contraception a cet avantage-là de laisser la maman récupérer avant d’avoir une autre grossesse. Avant chez nos grands-parents, vous verrez les enfants qui ont peut-être un mois de différence, aujourd’hui, on n’aimerait plus voir cela. La multiparité est un facteur de risque pour certains cancers du sein. Pour pouvoir aussi laisser la femme évoluée dans son boulot, dans ses activités, il faudrait espacer les naissances pour qu’elle aussi puisse programmer ses activités.
Vous savez qu’aujourd’hui, la vie devient de plus en plus dure, et c’est toujours mieux d’espacer les naissances pour faire face aux dépenses et prendre soin des enfants. Vous savez ce qu’on appelle » les enfants en escalier » ? Quand vous allez dans certaines maisons, vous allez trouver 6 ou 7 enfants qui ne sont pas très espacés. Et vous allez constater que parmi ces enfants, il y a des malnutris, il y a des enfants frustrés parce que les parents n’arrivent pas à s’occuper d’eux ou n’arrivent pas à leur donner l’affection qu’il faut.
Avec la contraception, le couple peut décider par exemple de ne faire que trois enfants. Donc cela va empêcher la venue surprise des grossesses. On s’arrête au nombre d’enfants désirés et puis tout le monde se concentre à se battre pour leur avenir.
Au niveau des hommes que de la femme, la contraception aide beaucoup. Dans la famille, chaque enfant a besoin de l’attention de son parent ou bien de ses parents. Plus, on en a, moins il y aura cet accompagnement personnalisé. Moins, on en a, plus, on a le temps de s’occuper de chaque enfant comme il faut. C’est notre point de vue.
Une femme a-t-elle le droit d’aller adopter une méthode contraceptive sans l’accord de son mari ?
En toute chose, il faut communiquer. Lorsqu’une femme vient à l’hôpital ou au service de planification familiale, on prend toujours les renseignements. On lui demande si elle est mariée, ou s’il elle est en couple. Au cas échéant, on lui demande si le partenaire est informé. Au cas où le monsieur n’est pas informé, nous avons des stratégies, nous l’appelons et nous dialoguons avec lui. Il peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles la dame ne voudrait pas informer son homme, et c’est à nous aussi de jouer ce rôle-là de pouvoir convaincre l’homme à comprendre le bien fondé la contraception.
Les femmes viennent souvent accompagnées de leur conjoint ?
La plupart du temps, ce sont les dames qui viennent. Elles viennent seules surtout dans un premier temps.
Certaines femmes se plaignent des effets secondaires de ces méthodes, qu’est ce qui explique cela ?
En fait, il y a beaucoup de sous-entendus concernant les effets secondaires des méthodes contraceptives. Quand les femmes viennent, il y a un tas de questions qu’on leur pose pour pouvoir identifier la méthode qui leur convient. Parfois sur la base des réponses reçues, si on leur propose une méthode, elles refusent et veulent forcément utiliser la méthode que leur copine a utilisée. Et après, elles se plaignent des effets secondaires. Et cela se partage de bouche en bouche, c’est ce qui complique les choses.
Normalement, quand vous venez au service de planification familiale et que vous donnez toutes les informations nécessaires, on vous propose une contraception qui vous sied. Ce qui est sûr, dans les premiers temps, après la pose de la méthode contraceptive, il peut y avoir quelques effets et c’est normal. Quand un corps étranger rentre dans un organisme il y a toujours réaction, ou bien quand un étranger rentre dans une maison, les gens réagissent toujours. Et c’est pareil, il peut y avoir des réactions pendant un temps donné puis ça s’arrête et l’organisme s’adapte. Mais il faudrait revenir toujours au niveau de la prestation pour le signaler.
Est-ce que toutes les méthodes sont toutes adaptées aux jeunes ?
Il y a certaines méthodes contraceptives, il faudrait que vous ayez accouché d’abord, avant de les prendre. Pour les DIU par exemple, il faut que la femme soit assez mure, qu’elle ait déjà accouché, avant de les adopter.
La contraception d’urgence ou la pilule du lendemain, dans quel cas faut-il l’utiliser et à quelle fréquence ?
Concernant la pilule du lendemain, elle doit être prise dans les 72 heures après avoir eu un rapport sexuel à risque, c’est-à-dire, soit, on a des rapports sexuels non protégés, soit des rapports dans la période fertile. Donc dans les 72 heures, j’ai cette possibilité de prendre la pilule pour ne pas contracter une grossesse, surtout si le partenaire n’est pas prêt ou je ne suis pas prête. C’est dans ce cas-là, qu’il faudrait utiliser la pilule d’urgence. Normalement, ce que je sais, une fois dans le mois, on peut l’utiliser. Mais ce qu’on a remarqué est que certaines filles prennent cette pilule plusieurs fois dans le mois et il y a des conséquences. Vous pouvez avoir un dérèglement de votre cycle menstruel, vous pouvez être exposées à des maladies cardiovasculaires ; c’est les effets des hormones pris de façon abusive.
Tout abus et toute prise de façon anarchique est nuisible pour l’organisme et surtout pour la santé de la reproduction de la jeune fille. Il vaut mieux avoir des rapports protégés ou encore mieux s’abstenir pour ne pas être exposé et être obligé de prendre ces pilules à outrance. C’est l’occasion de rappeler aux jeunes sœurs de vraiment savoir ce qu’elles veulent dans la vie, de plutôt poursuivre leurs objectifs .Vaut mieux s’abstenir ou avoir des rapports sexuels protégés pour pouvoir aller loin dans les études ou dans les activités.
Interview réalisée par Atha ASSAN