Quoiqu’ importante pour la santé des femmes que celle des enfants, la planification familiale n’est toujours pas une réalité dans certaines contrées au Togo. A Ahépé (localité située au Sud du Togo, dans la préfecture de Yoto), la situation est bien perceptible. Beaucoup de cas de grossesses non désirées, précoces et de naissances rapprochées, le planning familial rencontre d’énormes difficultés dans ce canton où la tradition joue un rôle non négligeable dans le faible recours à la contraception.
Akos, une revendeuse rencontrée, au Carrefour principal de la localité explique : «Ici, notre richesse, ce sont nos enfants. Ils nous accompagnent dans les travaux champêtres, dans nos petits commerces et à la maison. Nous ne trouvons pas d’inconvénients à en faire beaucoup», a affirmé la jeune dame qui à 23 ans, a cinq (5) enfants dont le premier a huit (8) ans et le plus petit, deux (2) ans.
Fort curieusement, aucun de ses enfants n’est scolarisé. Bien plus, il est très difficile pour elle et sa famille de trouver le pain quotidien. Le cas de cette dame n’est pas isolé. Il est impossible de faire un tour dans cette contrée sans apercevoir des femmes enceintes avec un bébé au dos, des jeunes mères accompagnées de plusieurs enfants et des filles enceintes d’environ 12 à 15 ans.
L’Association Togolaise pour le Bien-être Familial (ATBEF), la principale structure active dans l’éducation sexuelle au Togo, n’a malheureusement pas de bureau dans ce canton qui regroupe plusieurs villages. Néanmoins, il y a des agents communautaires formés par l’ATBEF qui sont sur le terrain pour sensibiliser régulièrement la population sur les bienfaits de la planification familiale.
Au seul dispensaire public du milieu, l’on fait également de temps en temps des causeries éducatives à la population. Pourtant l’espacement de naissances semble être une dure épreuve pour les femmes d’Ahépé.
Du poids de la tradition
Pour cette population, avoir beaucoup d’enfants est une bénédiction divine et une fierté pour les parents. Dans la tradition, les dictons ne manquent pas pour exprimer la valeur accordée à la fécondité entre autres, «rien ne surpasse l’enfant sur cette terre», «avoir un enfant unique, с ‘est être borgne», «l’homme vaut mieux que la richesse», «un enfant vaut mieux que de l’argent». Aussi, le fait que le mariage n’acquière-t-il vraiment de stabilité qu’à la naissance du premier enfant, indique assez combien la reproduction est conçue par ces ruraux comme un devoir à la fois social et individuel.
Ainsi la planification familiale est souvent interprétée non seulement comme une volonté d’empêcher de faire beaucoup d’enfants, mais également et surtout comme une désobéissance à la volonté divine. « Comme dans la plupart des traditions africaines, pour nous, une vie réussie est celle qui se perpétue à travers une nombreuse postérité, signe de prestige et d’autorité. C’est donc la maternité qui consolide les couples et le lien entre les deux familles. La procréation est une bénédiction divine que nul ne saurais arrêter », a expliqué Kossi, un notable.
Le refus des hommes en ce qui concerne l’adoption des méthodes contraceptives est également pointée du doigt. Pour certains, « la réticence des hommes s’explique par le fait que ce sont les femmes qui rapportent les messages aux hommes qui n’assistent souvent pas aux meetings de sensibilisation. En leur qualité de chefs de famille et décideurs, ils ne prennent pas en considération des idées qui émanent de la femme » puisque dans la tradition, la femme n’a pas le pouvoir de décision. On évoque également la préférence à un sexe surtout le sexe masculin, qui conduit souvent des couples à avoir beaucoup d’enfants. Aussi, « bon nombre de femmes n’approchent-elles pas le centre sanitaire pour avoir des informations liées à la sexualité, compte tenu de la peur ou la honte car parler de la sexualité demeure toujours un sujet tabou », nous renseigne-t-on. Outre ces aspects, plusieurs autres déterminants constituent un frein au planning familial dans cette contrée.
D’autres facteurs
Les prêches des églises surtout celles dites charismatiques qui ont fait leur apparition dans le milieu ces dernières années et le niveau de revenu ont aussi un impact direct sur la possibilité pour de nombreuses femmes de planifier les naissances. Les femmes pauvres sont celles qui ont le moins de chances d’être à même d’exercer le droit à la contraception, parce qu’elles ne sont pas en mesure de payer les services de planification familiale. «C’est difficilement que nous trouvons à manger. Comment pouvons-nous payer les pilules ? », s’est interrogée Ayawavi, une native du milieu. Des fausses rumeurs sur certaines méthodes contraceptives notamment les injectables compliquent également une situation déjà peu enviable. « En effet, des rumeurs font état de ce que ces injectables entrainent des maladies et rendent les femmes anxieuses et stressantes ». « Ce qui n’est pas vrai », rétorque Mme Gado Amina, accoucheuse au dispensaire d’Ahépé qui affirme que : « Certes ces produits entrainent des effets secondaires notamment les troubles de menstruation, des maux d’yeux et de pieds qui sont souvent temporaires. Mais nous expliquons aux femmes avant les injections de revenir nous consulter, si ces effets persistent».
En somme, la tradition, la religion, la pauvreté et les fausses rumeurs sur les méthodes contraceptives sont entre autres des facteurs explicatifs du faible recours à la contraception dans cette localité. En effet, il s’agit d’une réalité qui concerne, de manière général le milieu rural où des efforts doivent être multipliés en matière du planning familial, au regard de ses avantages.
Alors, qu’est-ce que la planification familials et quelles sont ses avantages?
La planification familiale ou le planning familial consiste à utiliser des méthodes contraceptives dans le but d’avoir le nombre souhaité d’enfants et à des intervalles de temps raisonnable. Selon les explications du Docteur M’bortché Bingo Kignomon, gynécologue obstétricien, chef division médicale de l’Association Togolaise pour le Bien-être Familial (ATBEF) « une méthode contraceptive est un moyen, naturel ou artificiel mis à la disposition des individus ou des couples pour empêcher temporairement ou définitivement la survenue d’une grossesse ».
A en croire le docteur, au Togo, on dispose trois sortes de méthodes notamment les méthodes temporaires de courte durée d’action, les méthodes temporaires de longue durée d’action et les méthodes permanentes ou de stérilisation.
Les différentes méthodes sont notamment pêle-mêle les pilules de contraception orale, les implants, les contraceptifs injectables, les patchs contraceptifs, les anneaux vaginaux, les dispositifs intra-utérins, les préservatifs, la stérilisation masculine ou féminine, les méthodes d’aménorrhée lactationnelle, les méthodes reposant sur le retrait (coït interrompu) et la connaissance des périodes de fertilité.
Le recours à la contraception est essentiel à la protection de la santé des populations et leur permet de planifier la taille de leur famille et l’espacement des naissances.
Hélène Doubidji