Le cancer du sein fait des milliers de victimes chaque année en Afrique, selon les statistiques. Et pourtant, des précautions simples peuvent empêcher la forte létalité de cette maladie chez la femme. Qu’est-ce que le cancer du sein? Quels sont les signes probables de cette maladie? Comment le prévenir et le traiter ? Pourquoi insiste-t-on sur le dépistage ? La succion du sein par un partenaire permet-elle d’éviter la maladie ? Dans une interview accordée à EkinaMag, Dre Dille MAHAMADOU, administratrice technique en charge du cancer pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique donne des informations très utiles sur la maladie et lève l’équivoque sur certaines idées reçues.
Le cancer du sein : Qu’est-ce-que c’est ?
Pour ce qui concerne le cancer en général, il faut comprendre une chose : le corps humain est constitué de milliard de cellules. Ce sont les amas de cellules qui forment des tissus comme celui du sein, du col de l’utérus, du cerveau, de la peau etc…
Ces cellules se divisent de façon contrôlée pour un renouvellement normal des tissus. Le système immunitaire fait en sorte que les cellules anormales ou vieilles sont éliminées.
Mais il arrive parfois que sous l’effet de certains virus ou bactéries, du tabac, de l’alcool, du dérèglement du système immunitaire etc…, ces cellules échappent au mécanisme de régulation normale de l’organisme et commencent à se développer pour leur propre compte. C’est comme s’il y avait une rébellion dans un pays et que les rebelles voulaient créer un Etat dans un Etat.
Pour le cas du cancer du sein, les cellules nouvellement formées constituent des tissus anormaux appelés des tumeurs cancéreuses ou malignes qui peuvent se présenter sous forme de boule dans le sein.
Mais attention! Toutes les boules dans le sein ne sont pas des cancers car il existe aussi des tumeurs dites ‘’bénignes’’ qu’on retrouve chez les jeunes filles et les jeunes femmes.
Quels sont les signes probables de cette maladie qui touche principalement les femmes ?
En moyenne 8 à 9 sur 10 cas de cancers du sein concernent les femmes mais ce cancer peut aussi atteindre les hommes qui possèdent aussi du tissu mammaire, même s’il est atrophié.
Le principal signe est l’apparition d’une boule dans le sein. Cette boule très petite au début peut grossir et se fixer à la peau pour donner ce qu’on appelle un aspect de peau d’orange.
Les autres signes sont le changement de la couleur et de l’aspect de la peau du sein ou du mamelon même quand il n’y a pas de boule palpable dans le sein. Il peut aussi apparaitre une boule dans l’aisselle, une douleur au sein bien que c’est rare au début, du sang qui coule du mamelon, une plaie du mamelon ou sur le sein sans qu’il y ait une notion de traumatisme/blessure…
Est-ce que le cancer du sein représente une part importante des consultations en Afrique ? Quelle est la prévalence de la maladie sur le continent ?
En effet le cancer du sein est le type de cancer le plus fréquent chez les femmes d’Afrique subsaharienne. Il y a eu 129 000 femmes nouvellement diagnostiquées en 2020. Dans les pays à revenu élevé, le cancer du sein a un bon pronostic mais en Afrique subsaharienne, la survie est considérablement plus faible. En Afrique, les estimations de la survie à 5 ans sont proches ou inférieures à 50 %, ce qui signifie qu’une femme sur deux diagnostiquée avec la maladie est décédée dans les 5 ans suivant le diagnostic, contre 1 sur 10 pour les femmes dans les pays à revenus élevés.
Malheureusement, le nombre annuel de femmes diagnostiquées avec un cancer du sein en Afrique subsaharienne devrait presque doubler d’ici 2040, en raison du vieillissement et de l’expansion de la population. Cette augmentation sera encore plus importante si l’on tient compte de l’évolution du mode de vie et de la fécondité. Les femmes africaines ont moins d’enfants et retardent leur première grossesse. Bien que ces facteurs présentent de multiples avantages sanitaires et socio-économiques pour les femmes, ils augmentent également leur risque de développer le cancer du sein plus tard dans la vie.
La maladie touche-t-elle les jeunes filles également ?
Le cancer du sein est assez rare chez les jeunes filles. En Afrique la moyenne d’âge est de 45ans avec en fonction des pays, une survenue entre 42 et 53 ans.
Mais il y a des formes rares de cancer de la jeune fille qui sont très agressives et qui sont parfois d’origine génétique ou familiale.
Pourquoi insiste-t-on sur le dépistage ?
Le dépistage consiste à appliquer un test (validé sur le plan international) à une population asymptomatique en vue de détecter une maladie à un stade précancéreux ou de cancer précoce. Pour le cancer du sein, il consiste à faire une mammographie régulièrement tous les 2 à 3 ans à partir de 40 ou 50 ans . C’est important d’insister sur le dépistage du cancer du sein car détecté tôt, la femme a plus de chances de guérison et parfois moins de séquelles des traitements.
En plus du dépistage, il y a aussi des méthodes qui permettent de détecter plus tôt la maladie, si elles sont pratiquées régulièrement. Il s’agit de l’examen du sein par un professionnel de la santé, au moins une fois par an et de l’auto-examen du sein par la femme elle-même, une fois par mois selon des méthodes enseignées.
La succion du sein par un partenaire permet-elle d’éviter la maladie… puisque c’est une idée qui est très répandue ?
C’est une idée véhiculée par les réseaux sociaux mais qui n’a pas de fondement scientifique. Elle est partie du fait qu’un des facteurs protecteurs cités pour le cancer du sein est l’allaitement maternel. Cet allaitement fait que la succion du sein par le bébé entretient la lactation et donc un certain niveau d’hormones protectrices sont secrétées. Par extrapolation, les gens ont comparé la succion faite par le bébé avec la succion du mamelon faite par le partenaire, ce qui n’a pas le même effet.
Lorsqu’une femme est diagnostiquée du cancer du sein pendant la grossesse ou l’allaitement, cela affecte-t-il l’enfant ?
Le diagnostic du cancer du sein pendant la grossesse ou l’allaitement montre qu’une maladie était déjà présente mais parfois non détectée et que les poussées hormonales de la grossesse ou l’allaitement ont entrainé une flambée de la maladie.
Les effets sur l’enfant sont surtout dus aux traitements que devra subir la mère comme la chimiothérapie, la radiothérapie ou la chirurgie dont les effets secondaires peuvent obliger un sevrage rapide de l’enfant ou entrainer une fausse couche en fonction du stade de la grossesse et de la sensibilité de la femme. Car il faut le dire, chaque cancer est unique du fait de la personne chez qui il survient.
Qu’en est-il du traitement de la maladie ?
Il y a principalement 3 sortes de traitement pour la maladie qui doivent être le plus souvent associés :
La chirurgie : qui consiste soit à enlever une partie du sein quand on détecte tôt la maladie et qu’on a tous les moyens de traitement disponibles pour éviter que le cancer ne revienne dans le sein restant ; soit à enlever tout le sein et aussi les ganglions situés dans l’aisselle qu’ils soient palpables ou non.
La radiothérapie : qui est l’utilisation de rayons pour détruire les cellules microscopiques que la chirurgie ne peut pas enlever sur la peau ; elle est indispensable pour éviter que la maladie ne revienne sur le siège de l’opération. Car une seule cellule qui n’est pas détruite par la radiothérapie peut devenir un nouveau cancer encore plus agressif sur la peau ou sur le sein restant.
La chimiothérapie : c’est l’injection de médicaments anticancéreux dans le sang pour détruire les cellules cancéreuses qui ont déjà migré dans les autres organes en passant par le sang ou les ganglions. Le passage de ces cellules dans le sang peut entrainer de nouvelles tumeurs cancéreuses qu’on appelle métastases ou localisations à distance dans les autres organes comme les poumons, le foie, le cerveau… Notons que ces localisations à distance sont plus difficiles à traiter que le cancer localisé seulement dans le sein.
Y a-t-il un message plein d’espoir ?
Le dépistage suivi du traitement du cancer du sein sauve la vie alors faites vite le dépistage et surtout régulièrement.
Propos recueillis par Hélène DOUBIDJI